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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/698

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contrebande de guerre ; et encore ceci, que la saisissabilité de la propriété privée, « talon d’Achille de la puissance britannique, » serait sans doute très dure à la jeune et déjà puissante marine allemande, mais plus dure à la puissante marine anglaise. « Nous avons moins à perdre que l’Angleterre, » tel est son mot. Ainsi l’Allemagne marchande est favorable à la liberté du trafic, tandis qu’en vue d’une guerre avec l’Angleterre, l’Allemagne militaire est favorable à son interception. Entre ces deux doctrines, prendre parti est dangereux. Mais, comme la doctrine militaire n’est posée qu’ in concreto, vis-à-vis de l’Angleterre et d’elle seule, il suffit, en adhérant in abstracto aux principes marchands, d’y mettre telle réserve pratique qui l’empêche de fonctionner vis-à-vis de l’Angleterre. Négligemment, sir E. Satow venait de laisser entendre que l’Angleterre serait prête à faire des concessions sur le droit de capture, si l’Allemagne en faisait sur le progrès des armemens. Alors, non moins négligemment, — et plus justement, — le baron Marschall déclare que l’Allemagne est favorable à la liberté du commerce, soit ennemi, soit neutre, mais que ce grand sujet ne peut être considéré sous les deux seuls aspects de la propriété privée et de la contrebande, qu’il doit l’être encore sous celui du blocus, où précisément on sait bien que la thèse anglaise est irréductible. Ainsi le baron Marschall prend, en faveur de la liberté commerciale, la position chère au trafic allemand et, d’autre part, contre l’Angleterre, l’attitude réclamée par le pangermanisme. Très habile vis-à-vis de l’Allemagne, le procédé ne l’est pas moins vis-à-vis de la Conférence, car, en joignant les trois branches, — propriété ennemie, contrebande et blocus, — de la liberté commerciale en temps de guerre, il met en lumière qu’à cette liberté le grand obstacle est l’invincible résistance de la Grande-Bretagne. Vainement l’Angleterre essaie-t-elle de faire croire que la saisie de la propriété privée ne persiste que par le refus de l’Allemagne de limiter ses dépenses navales. En joignant la question à celle du blocus, où l’Angleterre demeure intransigeante, M. de Bieberstein rejette sur l’Angleterre l’échec du principe libéral souhaité par le commerce : il dégage l’Allemagne, compromet l’Angleterre, et, dans l’assaut pacifique que, sur le terrain des lois du combat, se donnent avant la guerre les deux belligérans éventuels, il touche au point sensible l’adversaire.