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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/708

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bâtimens lents et lourds des anciens jours, la course était puissamment destructive ; doué de l’ubiquité souvent et de l’agilité toujours, le corsaire imprenable multipliait les prises. Mais aujourd’hui ni barque ni bateau ni petit navire qui, jadis, eût menacé le lent et lourd voilier, près du rivage, n’aurait de chance contre le moderne vapeur qui jamais n’est au calme, rarement approche de la côte, et, quand il le faut, file plus de dix nœuds.

Par les changemens de la navigation, la course a fait son temps. Sur le problème qui divisait les diplomaties, l’invention des hommes s’est prononcée. L’Espagne, le Mexique qui jadis repoussèrent l’abolition de la course, adhèrent à La Haye, en 1907, à sa suppression.

Par la mine et la torpille, réflectivité du blocus est compromise. Par l’invention du railway, frère jumeau du steamer, la force du blocus s’atténue contre le belligérant qui, sur le continent, peut, par terre, recevoir des neutres ce qu’ils ne peuvent lui porter par mer. La puissance militaire de la contrebande est frappée à fond. Interdit-elle le transport des vivres à destination d’un port de guerre ? Le chemin de fer les dirigera sur un port de commerce voisin. Interdit-elle le transport des armes à destination d’un port quelconque de l’ennemi ? Avec le détour d’un port neutre et du rail, ce transport est désormais permis.

La vapeur sur mer complète ici l’effet de la vapeur sur terre. Devenus plus rapides, les vaisseaux deviennent plus grands : accru par la vitesse, le commerce s’étend. Sous la Révolution et sous l’Empire les chargemens dépassaient rarement 200 ou 300 tonnes ; la visite, même en cas de soupçons, n’était pas longue ; la confiscation, en cas de saisie, n’était jamais très grave : elle portait sur des barils de goudron, des mâts, des agrès, des vivres ; un riche galion du Brésil pouvait accidentellement se faire prendre, mais l’aubaine était rare. Aujourd’hui les navires portent des chargemens de 7 000 à 10 000 tonnes et dont la valeur se chiffre par millions. La vérification de leur cargaison, quand les papiers de bord ne paraissent pas suffisans, demande des heures. En cas de retard ou d’erreur, les responsabilités pécuniaires peuvent être considérables. Comme l’observait à la Chambre des communes, le 11 août 1904, M. Balfour, les difficultés de la visite se sont accrues dans des conditions telles que le commerce ne peut plus les souffrir. L’inconvénient marchand