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Val-Richer, 14 juin 1871.

Je suis charmé, mon cher confrère, que vous puissiez prendre une part si active aux travaux de l’Assemblée nationale. J’espère que cela ne vous fatiguera pas trop, et partout où vous serez, vous prendrez une bonne influence. Employez-vous donc tout en vous ménageant. La séance de jeudi dernier a été excellente. M. Thiers nous a rendu une force militaire. Il faut que la majorité de l’Assemblée nationale nous rende un pouvoir politique. Que sortira-t-il de là ? Je n’y vois pas clair encore, mais je m’en rapporte à La Fontaine.


Un bloc de marbre était si beau
Qu’un statuaire en fit l’emplette.
« Qu’en fera, dit-il, mon ciseau ?
Sera-t-il Dieu, table ou cuvette ?
Il sera Dieu. »


C’est ce que je lui souhaite.

Il faut que Dieu y soit quelque chose pour que nous sortions de la démagogie. Avez-vous remarqué ce qu’a dit, dit-on, une des héroïnes de la Commune, Mme Eudes : « Si Dieu existait, il faudrait le fusiller. » Je ne sais pas de mot qui exprime plus au vrai l’état moral de ce monde-là.

En attendant que nous choisissions, nous avons maintenant sous la main les élémens de la Monarchie constitutionnelle et ceux de la République. C’est à nous de voir lequel des deux gouvernemens nous convient le mieux.

Je compte aller vous voir avant la fin de ce mois et passer cinq ou six semaines à Paris. J’incline à croire qu’on y voit plus clair de loin que de près, parce que de loin, on ne voit que les grands côtés des choses ; mais il faut de temps en temps aller y regarder de près pour contrôler les vues générales.


Val-Richer, 26 septembre 1871.

J’aime mieux vous écrire à Peyrusse qu’à Versailles, mon cher confrère. Vous devez avoir besoin de vous reposer ; vous avez fait une campagne très active, et je la prends pour un très bon symptôme du meilleur état de votre santé. S’il n’était pas réellement meilleur, vous n’auriez pas pu prendre à la lutte la part que vous y avez prise.