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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/827

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l’organisation qu’ils ont élaborée dans leur tête. Comment donc renoncerions-nous à ce que nous avons, en faveur de ce que nous n’avons pas et ne sommes pas sûrs d’avoir ?

Il faut chercher encore, chercher toujours, réformer ce qui, dès à présent, paraît devoir être réformé et pouvoir être réformé ; mais comment conclure de prémisses aussi incertaines à la certitude de la grande liquidation sociale et de la grande révolution sociale ? Comme la machine naturelle qui produit l’équilibre actuel n’a pas un fonctionnement parfait, il est sage d’y faire intervenir l’intelligence humaine. Elle intervient, elle interviendra de plus en plus par la statistique, qui s’efforce de calculer et les besoins et les quantités de productions nécessaires à la satisfaction des besoins. Nous croyons, pour notre part, que la statistique est appelée à jouer un rôle croissant dans des sociétés de plus en plus conscientes. Elle permettra des prévisions et des précautions qui manquent aujourd’hui. Quand on voit en Russie (comme dans ces dernières années) des milliers de paysans mourir de faim, tandis que le blé produit par eux va à l’étranger ; quand on assiste aux crises de surproduction dans les régions industrielles, on comprend que nul ne peut admettre la perfection de notre mécanisme économique. Que l’administration du travail rassemble donc des statistiques, surveille l’état de la demande et l’état de l’offre, publie tous les résultats scientifiquement recueillis ; qu’elle joue dans la production un rôle analogue à celui que jouent les bureaux météorologiques dans la prévision des tempêtes, qu’elle annonce en une certaine mesure et, par là, détourne les cyclones économiques, rien de mieux. Mais les collectivistes vont plus loin et, sous prétexte que le jeu des intérêts individuels ou associés n’est pas infaillible, ils veulent confier l’universelle prévision et provision à l’État, qui n’est pas plus infaillible.


V

Selon les socialistes, notre actuelle déclaration des droits ne consacre qu’une justice de classe qui est injuste, qu’une morale de classe qui est immorale. Le jour où la classe prolétaire aura tout absorbé, nous aurons la vraie morale et le vrai droit. De là ces assertions absolues, sans restriction, sans nuances : « L’État est l’association des puissans, coalisés pour la rapine. » L’État