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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/852

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Puis, avec la prudence qui sait s’abstenir ou se replier. Modératrice au besoin, la Compagnie de Paris décourage sa fille méridionale de plusieurs œuvres téméraires, soit comme n’étant pas de « l’esprit de la Compagnie, » soit comme irréalisables. Il est inutile, par exemple, qu’elle se hâte de s’opposer aux désordres résultant, dans les églises, de l’introduction des chaises :


Il faut attendre que Notre Seigneur en fasse naître les ouvertures et moyens, comme aussi pour les images des saints qui sont aux portes des cabarets, et prier Dieu qu’il lui plaise de ruiner et détruire tous ces abus.


Mais à l’ordinaire, tant s’en faut qu’elle réprime le zèle des Marseillais, qu’au contraire elle le suscite à des desseins plus vastes. A cet égard, l’une des plus caractéristiques leçons de charité qu’elle leur donne, est au sujet de ce forçat que Marseille, je l’ai dit, parvint à délivrer. D’abord, c’est Paris qui a découvert et qui signale son cas, le 27 avril 1642 :


La profession particulière que nous faisons d’honorer le très saint et très adorable Sacrement, qui est un Sacrement d’union et de charité, nous obligeant d’assister les pauvres dans leurs nécessités, principalement quand le secours qu’ils demandent est raisonnable et tend à les délivrer des peines qu’on leur a fait souffrir injustement, nous avons estimé que vous agréeriez volontiers d’employer vos soins pour obtenir la liberté d’un pauvre garçon de cette ville, nommé Jacques Sauvage, qu’on nous a dit… servir dans la patronne depuis huit ans, bien que le terme de sa condamnation ne soit que de trois ans seulement, comme vous verrez par l’extrait que nous vous envoyons. Nous vous prions instamment d’embrasser ce bon œuvre ;… cette vexation est étrange et barbare, et la misère de ce jeune homme digne de compassion.


Et tout de suite, la Compagnie de Paris indique à celle de Marseille comment elle conçoit des bonnes œuvres de ce genre. Sans doute, les Confrères de Paris « recevront grande consolation » si ce « jeune homme » est « délivré de ses chaînes ; » mais ce n’est pas le tout. Ce n’est pas même le principal. Ce qui sera plus « merveilleusement édifiant, » c’est si cette occasion sert à « procurer un bon règlement afin d’empêcher que de telles injustices ne se commettent plus à l’avenir. » « Nous vous remercions bien fort, écrit-elle aux Marseillais, de la peine que vous avez prise pour Jacques Sauvage… » Mais, ajoute-t-elle :


nous vous envoyons les extraits des forçats de la dernière chaîne qui est partie d’ici depuis quelques jours, pour les délivrer, s’il vous plaît, à chacun d’eux, ou bien ils garder… ainsi que vous jugerez le plus à propos pour le bien