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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/861

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Pourquoi ne me serait-il pas permis comme aux autres apôtres de faire mes missions ayant une femme sœur pour compagne ? Le Créateur n’a-t-il pas créé délibérément la femme, et créé du même coup la tendance affectueuse et nécessaire que les deux sexes doivent avoir l’un vers l’autre ?


Il n’est pas à présumer que, depuis la création d’Eve, « Dieu ait changé d’opinion. » « D’où je conclus que les premiers regards et agrémens des choses belles et bonnes sont innocens, » que les mouvemens inévitables d’un « naturel aimant et affectif sont légitimes. » Au surplus, le Fils de Dieu a bien prouvé sur terre, par son exemple, qu’il n’est pas venu « pour retrancher la civile conversation entre les sexes, les écarter, effaroucher et obliger de vivre en sauvages et en ennemis. » Pour les noces de Cana fut la première de ses visites, et par la suite,


voyez-le conversant innocemment et aimablement avec les femmes, discourant tout seul sur un puits avec une Samaritaine, prenant la cause criminelle de la femme adultère en main, la plaidant avec tant de douceur et de zèle qu’il confond les accusateurs. Se voyant seul avec elle, (il) l’absout et la renvoie comme innocente. Regardez-le donnant ses pieds à toucher et baiser à une Magdelaine, et sympathisant avec elle en tout, même jusques à pleurer quand il la voit pleurer, en sorte qu’on disait : Ecce quomodo amabat eam… Considérez, après, comme il se laisse suivre par elle et par les autres dames et damoiselles de Hiérusalem… Pour mettre le dernier sceau à cette vérité, je ne peux assez répéter que les deux sexes s’assemblèrent, par un ordre divin, après l’Ascension, demeurèrent ensemble au nombre de six vingt dix jours et dix nuits sous un même toit et que le Saint Esprit descendit sur eux, ainsi congrégés, pour les unir encore davantage.


Et à cette apologie, — avec textes des Livres saints à l’appui, — de la femme, de l’amour et du mariage, Portmorand joignait une satire de la vie monastique analogue aux attaques dirigées, alors même, contre les couvons par l’évêque de Belley, Jean-François Camus. Il flétrissait, comme lui, la tendance des familles avouer les enfans, tout petits, à la vie religieuse, dût-on, pour les y allécher, leur faire croire « que les murailles des cloîtres sont de sucre. » Il montrait comment son entreprise à lui s’alliait, au contraire, avec l’économie de l’Eglise catholique, « grand corps dont les deux sexes qui composent le genre humain sont les deux parties. » S’exaltant sur cette idée, peu s’en fallait qu’il ne présentât ses écoles comme des espèces de séminaires d’époux, dans lesquels des « Noviciaux, » — « oui-dà, dit-il, des Noviciaux du mariage, » — élèveraient garçons d’un côté, filles de l’autre, en vue de l’hymen chrétien. Et c’était, finalement, sur ces