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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/889

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de retourner à Jaffa et d’aller faire un tour de six jours dans le grand désert d’Egypte, jusqu’à et Arish, puis de revenir par Jérusalem et Naplouse à Beyrouth, toujours sans entrer dans Jérusalem.

Mes compagnons sont bien affligés de la peste qui contrarie leur désir de voir des détails d’église dans la ville. Pour moi, à la dévotion locale près, cela m’est égal. Je vois aussi bien et mieux ce que j’avais avoir, l’ensemble du pays et des scènes de la nature et même la ville en masse. Je ne m’afflige que pour eux, mais je n’ai qu’à me louer de leur extrême sagesse et prudence. Nous n’avons pu lire vos propres lettres qu’après les avoir fumigées parce qu’elles avaient passé par Jérusalem. Les religieux sont intacts et renfermés ; il n’y a pas de peste ici, point hors de la ville, point même hors du couvent des Grecs. N’ayez pas la moindre inquiétude.

Ce que tu me dis de Capmas et de sa bonté ainsi que de tous nos bons voisins de Beirouth me fait plaisir : remercie-les en mon nom. Tes ennuis domestiques m’affligent, mais prends patience quelques jours et j’arrangerai tout cela. Je ne pense plus à l’Egypte dans l’état présent, à moins que Julia et toi vous ne fussiez cent fois bien sans moi pour deux mois. Encore je ne voudrais pas pour moi-même être si longtemps sans vous voir ; j’en éprouve trop le besoin. L’Egypte m’intéresserait peu après ce pays-ci que je vois comme personne ne l’a vu si bien et si loin. Cela suffira pour ce voyage.

Mille baisers à Julia et à toi.


Au couvent de Saint-Jean dans le Désert, près Jérusalem,

le mardi 23 soir[1].

Ce matin, ma chère Marianne, étant campés sous les murs de Jérusalem, de retour du Jourdain et de la mer Morte, nous avons reçu à la fois quatre de tes lettres jusqu’au 19 et celle de Cécile, etc. Tu m’as accusé injustement. J’ai écrit partout. Mais quelles postes ! Nous étions incertains si nous ferions encore une course de quelques jours à Hébron ; tes lettres me décident à revenir plus vite puisque, malgré les meilleures nouvelles de Julia, tu as tant de soucis et d’ennuis. J’en ai bien moi-même d’aller vite vous rejoindre et ne peux plus penser à l’Egypte. Ce serait trop long sans nouvelles de vous. N’y pensons plus. L’Egypte m’intéresse peu. J’aime mieux ce que je viens de faire, qui me suffit même à la rigueur pour mon objet poétique. J’ai visité toute la scène évangélique et celle de l’ancienne Loi. Quelques courses au Liban et à Balbeck et Damas suffiront pour le reste avec Constantinople comme scène de nature.

Je te renvoie donc l’exprès de Beirouth demain matin pour te dire que nous partirons jeudi soir ou vendredi matin 26 d’ici. Nous irons coucher à Rama et passer le 28 à Jaffa. Nous en repartirons le 29 et j’espère vers le 4 ou 5 être réuni à vous à Beirouth. Mais je t’écrirai du chemin une ou deux fois encore pour t’indiquer le jour précis.

Nous sommes enchantés de toutes nos courses faites avec beau temps et bonheur. Rien ne peut surpasser l’intérêt que ce pays inspire. Jérusalem,

  1. Mme de Lamartine, à Beyrouth. — Recommandé aux bontés de M. Guys ou de M. Jorelle.