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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/945

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Nicolas aux proportions d’un brave capitaine ou d’un évêque laborieux et sage, s’acharnant à les dépouiller de tous les attributs de la « sainteté ! » Non seulement M. Jœrgensen ne craint pas de nous raconter les miracles de saint François, chaque fois que ceux-ci lui sont affirmés par des témoignages certains ; mais tout son livre est, pour ainsi dire, baigné d’une atmosphère surnaturelle, et il n’y a pas l’un des actes ni l’une des paroles de son saint héros qui, tout de suite, ne s’y révèle à nous comme marqué d’une empreinte « céleste » de force ou de beauté.


Après cela, je sens bien que la traduction de quelques passages de la biographie de M. Jœrgensen aurait, plus efficacement que tous les commentaires, permis au lecteur d’apprécier toute la nouveauté et tout l’agrément d’un ouvrage où, pour la première fois depuis de longs siècles, un poète catholique a entrepris de ressusciter la vie et l’œuvre du saint patron de tous les poètes : mais le récit de l’auteur danois forme, d’un bout à l’autre, une trame si continue et si homogène qu’il n’est guère possible, malheureusement, d’en découper des morceaux sans risquer de leur ôter une bonne part de leur intérêt. A tout instant, les citations de « légendes » et chroniques anciennes, — empruntées, comme je l’ai dit, à des sources infiniment diverses, — se fondent dans le texte et font corps avec lui, de sorte qu’on trouverait difficilement une page où Celano, les Trois Compagnons, Julien de Spire, Ubertin de Casal, Bernard de Besse, ou Salimbene ne tiennent pas autant et plus de place que M. Jœrgensen ; et, seul, le rythme suivi de la narration nous rappelle que la main d’un artiste a choisi, adapté, habilement accouplé ces extraits de toute provenance. Voici pourtant, prises au hasard, quelques pages du chapitre consacré à la jeunesse de François, et aux lentes étapes de sa conversion ; il s’agit de ce que les anciens biographes appelaient, dans la vie du fils de Pierre de Bernardone, la « période de péché et de dissipation : »


Thomas de Celano nous a laissé un tableau bien sombre de l’éducation des jeunes garçons de ce temps. Il nous raconte que ceux-ci, à peine sevrés, étaient déjà instruits, par d’autres garçons plus âgés, non seulement à s’exprimer en paroles inconvenantes, mais même à pratiquer des actes immoraux, ajoutant que, par respect humain, aucun d’eux n’osait se conduire honorablement. Et il va sans dire que d’aussi mauvaises racines ne pouvaient point produire un arbre sain et bon : à une enfance corrompue succédaient des années de jeunesse toutes remplies de débauche. Le