Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

électriciens civils, et nous rendre l’éclairage sans lequel une grande ville devient vite un coupe-gorge. La grève n’ayant duré que deux heures, on n’a pas eu besoin de recourir à eux ; mais M. Clemenceau, dans sa conversation avec les directeurs d’usines, leur a suggéré l’idée de procéder à un licenciement provisoire du personnel électrique, pendant lequel il mettrait des électriciens militaires à leur disposition. Les directeurs ont répondu que leur personnel était professionnellement excellent, qu’il était entraîné, qu’il faudrait peut-être un certain temps aux électriciens militaires pour se mettre au fait d’un service qu’ils ne connaissaient pas, enfin et surtout que les ouvriers confédérés seraient parfaitement capables, avant de s’en aller, de se livrer au sabotage des machines et de tout briser autour d’eux. Les directeurs de secteurs ont fait preuve à coup sûr d’un médiocre courage, mais ils auraient peut-être raisonné autrement et fait une autre réponse s’ils avaient eu affaire à un gouvernement doué de plus de consistance, de solidité, de continuité dans l’action et inspirant plus de sécurité pour le lendemain. Ils n’ont pas osé accepter les offres de M. Clemenceau, ; ils se sont défiés de ce qu’il y a dans sa politique, de décousu, d’imprévu, de hasardeux, d’incomplet ; ils ont vu un ministre qui faisait, à la vérité, une proposition digne d’un gouvernement sérieux ; mais ils n’ont pas vu ce gouvernement, et ils ont craint de s’engager dans une aventure avec une garantie insuffisante. On ne saurait les en approuver, car ils se sont mis plus platement que jamais à la discrétion de M. Pataud ; mais leur abstention n’était pas sans quelques circonstances atténuantes.

Nous n’avons pas encore dit ce qu’il y a de plus grave dans la situation actuelle : ce ne sont pas les incidens violens de Villeneuve-Saint-Georges, ni même le sport inquiétant auquel s’est livré M. Pataud, mais bien les causes qui ont déterminé les entrepreneurs de travaux publics à prononcer, pour commencer, un lock-out partiel contre leurs ouvriers terrassiers. Ce licenciement n’est pas encore complet : on a dû faire des exceptions pour les chantiers où les travaux commencés ne peuvent pas être interrompus sans précautions préalables, à défaut desquels la sécurité publique serait compromise, — par exemple pour les travaux du Métropolitain sous le lit de la Seine, ou encore pour ceux qui ont pour objet la consolidation du sol, place de la Concorde. Dans les autres chantiers, un grand nombre d’ouvriers ont été déjà licenciés ; d’autres le seront plus tard, car les entrepreneurs procèdent par des mesures successives. Mais ils sont dès maintenant résolus, en vertu d’une décision prise en commun, à