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LES BOURBONS À TURIN
PENDANT LA RÉVOLUTION

LE « DIARIO » DE CHARLES-FELIX
DUC DE GENEVOIS

Lorsque dans la nuit du 17 au 18 juillet 1789, le comte d’Artois quitta précipitamment Versailles pour échapper aux fureurs populaires, c’est vers la frontière du Nord qu’il se dirigeait. Le soir même, il parvenait à Valenciennes. Sous la conduite du duc de Sérent, leur gouverneur, les jeunes Ducs d’Angoulême et de Berry, ses fils, ne tardaient pas à venir l’y rejoindre, suivis de près par les trois Condé. Rassuré dès lors sur le sort de ses enfans, le prince, dans la matinée du 20, se mettait en route pour Bruxelles. C’est là que résidait en qualité de gouvernante des Pays-Bas l’archiduchesse Marie-Christine, sœur de Marie-Antoinette. Mais Bruxelles était bien rapproché de la frontière, et l’Empereur, le prudent Joseph II, n’était point disposé à y laisser créer un foyer de conspiration. Le comte d’Artois, invité à faire choix d’un autre asile, songea aussitôt à se rendre à Turin, auprès de la famille royale de Sardaigne, que des liens si étroits de parenté unissaient alors à la maison de France : on sait, en effet, que les comtes de Provence et d’Artois avaient épousé deux filles du roi Victor-Amédée III tandis que l’héritier du Piémont s’unissait à la sœur de Louis XVI.

Cependant, le comte d’Artois ne connaissait ni son beau-père, ni aucun des parens de sa femme, et l’accueil qui lui était réservé semblait incertain. Il partit donc sans hâte, traversant