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Condé, pour protester contre une mesure que ni la conduite des princes, ni la situation politique du moment ne justifiaient suffisamment. Mais Victor-Amédée n’avait voulu, sans doute, qu’avertir ou menacer. L’orage passa :


30 mai. — Les quatre Condé dont le départ est différé jusqu’à l’arrivée des nouvelles d’Espagne sont venus dîner ici, ils avaient l’air tout à fait décontenancés. Le grand-papa était cependant celui qui tenait la meilleure contenance.


Le comte d’Artois se décide, d’ailleurs, à céder aux instances de Vaudreuil : le 22 juin, Mme de Polastron part pour Venise.

Cependant les événemens de France, où la captivité des souverains devient tous les jours plus étroite et plus inquiétante, préoccupent à la fois les Français et leurs hôtes. À la distance où l’on est de Paris, les fausses nouvelles ne manquent pas, et les plus petites prennent souvent des proportions considérables.


L’on a su, écrit, le 28 juin, le comte de Maurienne, qu’il y a eu un détachement de poissardes, parti de Paris, pour venir prier le comte d’Artois d’y aller, et l’on a envoyé des ordres de Savoie pour les arrêter.


En même temps, le Journal de Charles-Félix se fait l’écho des craintes qu’avait suscitées la célébration de l’anniversaire du 14 juillet.


21 juillet. — On a dit que cette terrible journée du 14 s’était passée dans la plus grande tranquillité. Toute la famille royale a prêté serment et tout ce qui s’est passé est si absurde que j’aurais honte d’en parler chez nous.

À Turin la vie continue à s’écouler aussi morne, mais si aucun événement ne rompt la monotonie du Journal de Charles-Félix, le récit des distractions un peu puériles que leurs hôtes offraient aux royaux émigrés peut nous faire légèrement sourire. Le 6 janvier, après la messe, on tire les Rois.


Le 5 janvier Mme de Bagnol a donné les gâteaux de la Visitation.

Le 6, jeudi, Épiphanie, messe de Dom Castlin, puis grand’messe de toute la Cour, chantée par le cardinal (le cardinal des Lances, grand aumônier de la Cour). La comtesse d’Artois vint dîner avec ses deux fils. Nous avons tiré les gâteaux ; Maurienne a été roi, et d’Angoulême reine de l’un ; la duchesse de Chablais, roi, et la duchesse d’Aoste reine de l’autre.


Assurément, si la présence du comte d’Artois pesait à ses hôtes, la monotonie et l’ennui d’une telle existence n’avaient pas pour le prince beaucoup plus d’attraits. D’autres motifs, plus pressans encore, le poussaient d’ailleurs à quitter Turin.