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Dix ans après l’Étoile, le Roi malgré lui souffrit, et mourut même, de n’avoir pas été ce que d’abord il devait être également : une opérette. Sous cette forme primitive et plus modeste, sa fortune eût été meilleure. Mais l’incertitude et l’équivoque le perdit. Pour qui relit cette partition, vieille de vingt-cinq années, les meilleurs passages, les plus caractéristiques, les seuls enfin qui survivent, ne sont pas les plus fins, mais les plus gros, les traits, fortement appuyés, de la charge ou de la parodie.

Encore une fois, tel jugement porté naguère sur cet ouvrage nous paraît aujourd’hui non pas à corriger, mais, tout entier, attendus et dispositif, à contredire. La poésie et le sentiment, les grâces enfin de cette musique étaient fausses et se sont fanées. Il en reste la gaieté, la verve et le rire éclatant. « Chabrier a quelque chose dans le ventre. » On disait cela du temps où la critique, ainsi que le reste de la littérature, se piquait de naturalisme. Après tout, on ne disait pas trop mal, et l’image un peu vulgaire, un peu basse, rendait pourtant avec assez d’exactitude, ou de couleur locale, ce qu’il y eut dans la manière de Chabrier, dans la meilleure, de rabelaisien, de gras et de copieux.

C’était une comédie d’intrigue que la comédie du Roi malgré lui. Notre futur Henri III, s’ennuyant d’être roi de Pologne, a résolu de quitter furtivement son royaume. Et je ne sais plus trop s’il y réussit. Je me souviens seulement d’un quiproquo, de la substitution d’un faux roi, Nangis, ami du prince, au roi véritable, et d’un complot, dont le monarque authentique refuse de laisser courir le risque jusqu’à la fin, jusqu’à la mort possible, par le remplaçant qu’il s’est lui-même donné. A cet imbroglio politique se mêle une méprise d’amour, où figurent deux héroïnes rivales : une bohémienne et certaine princesse, ou comtesse, palatine et vocalisante, que Chabrier, pour être juste, aurait dû laisser dans la catégorie des dindes à vocalises où tout à l’heure il reléguait les reines de l’ancien opéra. Un nommé Fritelli, vaguement cousin du Cantarelli du Pré aux Clercs, est chargé d’égayer les choses et n’y parvient qu’à demi. En résumé, ce livret avait surtout le tort de ne se décider jamais entre le plaisant et, sinon le sévère, au moins le sérieux.

La musique au contraire choisit, et se porta tout d’un côté, celui d’ailleurs où penchait naturellement le musicien. Mais comme elle s’y portait seule, et de toute sa force, il arriva qu’elle rompit l’équilibre et que l’ouvrage tomba.

Plus bref et soutenant d’un bout à l’autre le même ton, l’opéra-comique manqué pouvait faire une savoureuse opérette. Dès l’introduction,