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siècles suivans abonde en tableaux du même genre. Ils sont nombreux chez Bach et chez Haendel. Parlant ici même, le mois dernier, de Marcello, nous rappelions que dans sa cantate Calisto changée en ourse, le musicien de Venise avait essayé de noter les signes sonores de ce changement. Il y a des échos de la forêt, quand ce n’est pas de la volière, ou du poulailler, dans le répertoire de nos maîtres clavecinistes, y compris le grand Rameau. La volaille et le gibier, les bœufs et jusqu’aux poissons, il n’est presque pas un être vivant que l’auteur des Saisons et de la Création n’ait trouvé digne de son génie et d’une bonté qui s’étendait, comme celle du Créateur lui-même, « sur toute la nature ? » Beethoven, une fois au moins, eut des tendresses pareilles, et dans certains arpèges, piqués et brillans, de la « Scène au bord du ruisseau, » avant l’appel final du coucou, du rossignol et de la caille, il souhaitait qu’on reconnût l’essor et le cri du loriot.

« Ils sont trop, » et, comme dans la fable, c’est « tout ce qui respire, » que l’historien de la musique devrait appeler à comparaître devant lui. On sait quel « animalier » sonore, familier ou sublime, fut le musicien de la truite, et du cheval hors d’haleine que chevauche, si tard et si vite, le père serrant contre lui son enfant. Les musiciens modernes, les étrangers et les nôtres, n’ont rien dédaigné non plus de la nature vivante. Maint exemple en serait tiré d’animaux plus petits. Qui ne connaît le bonsoir langoureux que M. Massenet souhaita naguère aux bêtes à bon Dieu : « Les coccinelles sont couchées. » On en fit même, en paroles du moins, une parodie assez plaisante et que Chabrier eût aimée. Gounod un jour a décrit la cigale et la fourmi ; une autre fois, ce fut la fourmi toute seule, la fourmi ailée, en une mélodie légère et vibrante, où l’insecte, joyeux et chagrin tour à tour, sent battre, puis tomber ses ailes. Gounod encore, le Gounod de Sapho, de Mireille, n’a-t-il pas chanté deux de ses plus exquises chansons, l’une que le soleil endort, l’autre alerte et presque dansante, pour les chèvres de la Provence et pour celles de Lesbos ? Dans le ciel, sur la terre et sur les eaux, le grand musicien du Déluge et de la Lyre et la Harpe, le musicien, comique et poétique à volonté, du Carnaval des animaux, a suivi le vol de la colombe, le glissement du cygne et les ébats du monstrueux éléphant. Un autre monstre n’a pas intimidé Bourgault-Ducoudray, qui fut chez nous un des maîtres de l’exotisme oriental. Son Hippopotame (sur deux strophes de Théophile Gautier)