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armées d’invasion de l’Empereur et plus rapprochée de l’époque actuelle, sous le rapport des forces et de l’avenir de la France. » C’est donc volontairement qu’on passe outre aux enseignemens des guerres napoléoniennes.


Je n’insisterai pas sur les guerres qui ont suivi. Celles d’Afrique ont été une très bonne école d’endurance pour la troupe, mais une école détestable pour les grands chefs, dont elles faussaient les idées pour ce qui concerne la guerre en Europe. En Crimée, c’est une série de luttes corps à corps ; on y remarque la science de l’ingénieur et surtout la bravoure des troupes. En Italie, c’est le triomphe du décousu et de l’imprévoyance, le succès est assuré par l’entrain et la valeur des troupes.

Mais il y a plus ; pendant cette période presque ininterrompue de succès, qui va de 1830 à 1870, on constate une sorte de discrédit jeté sur les études militaires. Les brillantes fortunes se font en campagne, dans les colonnes d’Afrique ou les guérillas du Mexique ; et les officiers de valeur sont peu tentés de s’immobiliser dans des postes d’étude ou dans les écoles militaires. Dans ces écoles l’enseignement, le plus souvent confié à des officiers de valeur très ordinaire, se traîne dans des théories méticuleuses et étriquées qui n’ont que de très vagues rapports avec la guerre moderne.

Si, maintenant, on passe en Allemagne, et si on envisage au même point de vue la période de cinquante ans qui suit les guerres napoléoniennes, on assiste à un tout autre spectacle. Les Allemands ne font pas la guerre, mais ils s’y préparent par un enseignement constant et méthodique, uniquement et scrupuleusement déduit des événemens des guerres de la Révolution et de l’Empire. C’est Clausewitz qui a été le révélateur de ces guerres auxquelles il avait pris part durant les dix dernières années. Après 1815, il étudie, il analyse avec une rare perspicacité et un profond esprit philosophique les causes des événemens auxquels il a assisté. De ces travaux il conclut à une théorie de la grande guerre qu’il enseigne jusqu’en 1829, année de sa mort, à l’Académie de Guerre de Berlin. Il a réellement formé l’âme de l’armée allemande. C’est à lui qu’elle doit son unité de doctrine.

Les principes ainsi posés par ce haut enseignement ont été