Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sombres ou haineux au regard de loup » ce sont des paysans, jeunes ou vieux, « souriant à leurs grands bœufs surchargés d’épis, aux voyageurs qu’ils saluent, au soleil qu’ils bénissent. » A peine est-il rendu chez lui, qu’il y assiste justement à la moisson. Un peu plus tard, il préside aux vendanges. Il établit, il perfectionne une distillerie pour produire, avec ses raisins, « le cognac le plus pur. » Il veille à la santé et au bien-être des paysans qui travaillent pour lui ; il fait couvrir avec de bonnes lames de parquet le sol en terre battue de leurs pauvres logis ; il fait défricher, planter et bâtir ; il jouit du plaisir que sa femme ressent à voir s’épanouir les fleurs : il goûte, par reflet, complaisamment, l’agrément tout nouveau pour lui de ces scènes de vie rustique.

Il entreprend de plus importantes réformes. Il a l’ambition de rendre le manoir plus habitable. Il fait abattre quelques arbres. Il parlera bientôt des revêtemens de vieux chêne dont il a paré ses vieux murs. Les outrages du temps et du vandalisme de 93 doivent s’effacer. Lorsqu’on fait le pèlerinage du Maine-Giraud, on y retrouve la trace de ces travaux, exécutés avec moins d’adresse que d’honnêteté par un charpentier de village. On reste un peu surpris, mais non pas attristé, de leur aspect rudimentaire, de leur franche rusticité. A part une grande salle, — la seule de cette dimension, — où sont restés quelques panneaux de bois sculpté qui datent du XVIIIe siècle, il n’y a pas, dans la maison des Baraudin, la moindre trace d’art.

Quant à la « cellule de moine » dont le poète parle volontiers à ses amis et dans laquelle il se retire, à partir de minuit, pour couvrir d’écriture, jusqu’au matin, de larges feuilles de papier qu’il déchire le plus souvent, mais qu’il dépose quelquefois dans un coffre où elles s’entassent, c’est simplement l’espace compris entre le palier supérieur d’une vis d’escalier en pierre et la toiture même de la tour. Une sorte de siège en bois de chêne, qui peut servir de petit lit, à la rigueur, a été pratiqué dans un retrait du mur, et, en face, appliquée elle-même au mur, subsiste une caisse, en chêne comme le banc : c’est le « coffre » non pas antique, ni rare, mais fabriqué grossièrement, qui se cadenassait comme pour préserver quelque trésor. Entre les deux meubles, je n’assurerais pas qu’il y ait la place de trois pas. La cellule d’un religieux ? Peut-être, mais bien plutôt le cabanon d’un prisonnier. En explorant tous les recoins de la