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ressemble à celle de la mezquita de Cordoue, mais on n’y croise pas de nonchalantes Andalouses, se promenant sous les citronniers, un œillet rouge piqué dans les cheveux. Ici, tout est austère, ainsi qu’il convient à un des temples les plus vénérables et les plus vénérés de l’Islam, au sanctuaire qui attirait naguère sur ses parvis les pèlerins de toute l’Afrique et la foule des étudians dans sa bibliothèque.

J’aurais juré, en pénétrant dans cette cour, qu’elle était régulière, tandis qu’elle forme un quadrilatère allongé en biais. Les portiques qui l’environnent n’affectent pas tous la même disposition et les colonnes, sous les arcades, se réclament de tous les styles. Ce défaut de symétrie ne nuit pourtant pas à l’ensemble architectonique, ce qui prouve que parmi les arts, la musique n’est pas seule à s’accommoder des dissonances.

Un porche imposant qui émerge au milieu du portique méridional, au dôme finement côtelé, conduit à la porte principale de la mosquée, appelée Bab-el-Behou. Avec son tympan curviligne, les compartimens de ses vantaux décorés de motifs alternativement empruntés au règne végétal et à la géométrie, cette porto mérite de donner accès au sanctuaire.

Dès les premiers pas que je risque à l’intérieur, c’est encore l’impression "éprouvée autrefois dans la mezquita de Cordoue qui me pénètre, mais transposée. Ces deux édifices s’inspirent du même idéal, de la même pensée, suggérée, vraisemblablement, aux Arabes par le souvenir des oasis du désert ; mais ce n’est plus la


... mosquée où l’œil se perd dans les merveilles...
(V. HUGO, Orientales, XXXI.)


la forêt inextricable et mystérieuse dont les allées fuient et se croisent à l’infini ; c’est un bois sacré, un coin de jardin tropical d’où la lumière n’est pas proscrite. Les palmiers surgissent du sol sveltes, souples, d’essences diverses. Leurs rameaux forment dans les allées latérales de gracieux berceaux. Dans la pénombre, on retrouve la fraîcheur, la fraîcheur si précieuse aux fils de la steppe nue et brûlante.

On ne rencontre à Kairouan ni le double étage d’arceaux bigarrés, ni la splendeur décorative dont Ahdérame ou Abd-er-Rhaman voulut entourer la mosquée où les khalifes d’Occident allaient implorer la protection d’Allah, mais tout y est harmonieux,