Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on a retrouvé les vestiges d’une vingtaine de villes, sans parler des villages, des fermes et des maisons de campagne. Plusieurs d’entre elles furent admises au rang de municipes ; Dougga et Tébourzouk, — pour leur laisser leur nom moderne, — obtinrent le titre convoité de colonies romaines. La présence de ces centres de population dans un district relativement désert atteste le triomphe de la politique romaine. Dougga devint en quelque sorte la capitale de la région. Elle possédait un forum, des temples nombreux, un théâtre, un hippodrome, des thermes. Un aqueduc entretenait l’eau dans les citernes. Les populations voisines accouraient les jours de fête dans son enceinte.

La victoire des Arabes consomma la déchéance de la contrée. Les archéologues ne rencontrèrent que quelques pauvres maisons indigènes lorsqu’ils se présentèrent pour exhumer les restes de Dougga. Ce sont ces ruines que je m’étais de longue date proposé de visiter.

Pour franchir les 110 kilomètres qui séparent Tunis de Tébourzouk, l’automobile l’emporte sur tous les moyens de transport connus jusqu’à présent. La route est bonne, bien entretenue et le pays qu’on traverse offre les sites les plus variés. C’est d’abord une région de plaines avec des exploitations coloniales rapprochées les unes des autres, puis la nature se fait sauvage, on aborde un massif montagneux. A droite et à gauche, les broussailles, les lentisques et les genêts remplacent les oliviers. Tout à coup, c’est la Medjerdah qui se présente, roulant ses eaux dans un lit profondément encaissé ; puis de petites villes pittoresques comme Testeur, ancienne colonie d’Andalous musulmans, qui frappe par ses maisons grises et son minaret pareil à un clocher de France. Sur la route rarement déserte, j’ai rencontré des indigènes à cheval, des chameaux se dandinant sous leurs charges, des troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres, de-ci de-là des bédouines, les reins serrés dans une pièce d’étoffe bleue, le visage découvert, les grands yeux candides ombragés de longs cils, qui nous suivent avec curiosité.

Enfin Tébourzouk apparaît de loin, tache blanche au flanc de la colline dont on s’approche en décrivant des zigzags.

Un sentier de montagne de plus en plus âpre conduit de Tébourzouk à Dougga. Il faut abandonner l’automobile et grimper à des d’une un dernier raidillon sous l’implacable soleil