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fonts baptismaux ! Quel plus grand honneur au monde pourrait-il y avoir que d’être la commère et la marraine d’un Roi de France ! Oh ! quelles splendeurs, quelles pompes et quelles gloires je vais connaître ! Je visiterai non seulement Paris, la plus florissante Université et la plus populeuse cité de tout l’Univers, mais toute la France, la Bourgogne et les Flandres, et j’irai peut-être jusqu’à Sant’Jago de Galicie. O combien de pays nouveaux et de royaux spectacles je verrai dans ce voyage ! Votre Seigneurie et Madonna Emilia qui connaissent tant de ce pays et de ses mœurs, vous serez capables de l’imaginer.

Mais qu’arrivera-t-il si mon voyage en France a lieu et si la venue de l’Empereur en Italie, qui a été empêchée par tant de Diètes, était abandonnée ? Dans ce cas, cette gloire que vous convoitez, c’est moi qui l’aurai ! Je ne sais pas si, après cela, vous pourrez prétendre être mon égale et s’il me sera possible d’accepter si aisément que cela votre invitation à Urbino ! Lorsque je reviendrai en Italie, je commencerai à me demander si cette terre est bien digne de me porter, si des tapis ne doivent pas être étalés sous mes pieds et un dais envoyé à ma rencontre partout où j’irai ! Mais, plaisanterie à part, j’espère réellement partir pour la France dans quelques jours, et je suis occupée à faire mes préparatifs. Lorsque je reviendrai, nous devrons songer à nous rencontrer, car j’en suis aussi désireuse que Votre Altesse peut l’être. — Mantoue, 25 septembre 1507.


Ce n’était pas vanité : c’était curiosité pure, désir d’admirer d’autres visages, d’autres mœurs, d’autres costumes, d’autres faces de la vie. Le désir n’est pas moins vif, ni la joie moins grande, lorsqu’il s’agit des pauvres pêcheurs de Peschiera ou des jardiniers de Sermione, qu’à la première cour de la chrétienté. En excursion avec ses dames et ses pages sur le lac de Garde, on dirait une écolière en vacances. Elle s’enthousiasme de tout : de la vue qu’on a de Lonato, de Sermione, de Peschiera, des ruines romaines, de la grotte de Catulle, des fruits que lui apportent les paysans, des poissons que lui offrent les pêcheurs, s’amuse de tout : des harangues que lui font les notables du pays. « Hier, j’étais à Grignano dont les habitans m’ont gratifiée de poisson et d’oranges, et aussi d’un long discours en italien, fait par un assommant pédant dans le style le plus fleuri. Que Votre Seigneurie n’imagine pas que ce soit le premier, quoique ce fût certainement le plus extraordinaire de ceux que j’ai eu à subir. A Lonato, j’en ai eu trois : deux en italien, dits par les citoyens, et un en latin récité par un enfant de sept ans ! A Sermione, deux encore, du maire de la commune, et un troisième du vicaire. Ici, à Salo, deux de moyenne valeur, ni trop délicieux, ni trop communs, mais plus utiles,