Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la monture impériale qui encense avec grâce, dignitaires, courtisans, porte-drapeaux, roulent d’un pas rapide et velouté vers la mosquée où ils s’engouffrent dans un bourdonnement de conversations confuses. « Le Sultan a dû passer par les jardins, explique avec complaisance aux touristes désappointés un sous-officier français, instructeur de la mehallah ; mais, si vous ne craignez pas la chaleur, attendez pendant une heure environ la fin de la cérémonie. Avant la révolte, le Sultan profitait du Salam-alik pour voir ses troupes, soit en allant à la mosquée, soit au retour. Il ne saurait manquer plus longtemps à cette tradition. » Et les curieux, qui viennent de loin, patientent sous l’averse de feu, avec l’espoir de contempler un souverain célèbre et de rapporter un cliché rare ; les indigènes ont disparu, les soldats sont couchés et pérorent dans l’ombre violette qui borde le pied des murs. Une heure passe, lente et lourde. Enfin, la musique abritée dans les jardins, domine de nouveau les crissemens des cigales et les bruits de battoirs des cigognes ; la foule officielle sort de la mosquée ; les commandemens se précipitent, et, comme tout à l’heure, les troupes figées rendent les honneurs au cheval du Sultan. Pas plus au retour qu’à l’aller, Moulay-Hafid ne s’est montré à son peuple, n’a réconforté par sa vue le loyalisme de sa mehallah. Et derrière le cortège débandé, précédées par un « chef de bataillon » étincelant dans son uniforme de velours rouge galonné d’or, les troupes se reforment en colonne, et, d’un pas martial, reviennent vers leur camp.

Elles ont d’ailleurs fort bon air, et la Mission militaire peut être fière de son œuvre, à peine ébauchée. Nos officiers et sous-officiers ont donné de la cohésion à des recrues pour qui la discipline du rang est une pénible contrainte ; malheureusement, leurs efforts sont contrariés souvent par l’inertie et la vanité des chefs indigènes qu’ils doivent couler aussi dans un moule européen. Les soldats des tabors chérifiens ont de l’entrain ; leur rusticité est précieuse pendant les opérations de police et de répression dans un pays turbulent, dépourvu de ressources. Ils sont fiers de leur uniforme, de leurs jambières et de leurs chaussures ; ils manient avec aisance leurs vieux fusils Gras qui résonnent comme de la ferraille ; et, s’ils paraissent avoir peu de sympathie pour les troupiers européens, pour les tirailleurs algériens et sénégalais, ils ont de la déférence