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Mais où l’art subtil de son discours apparaît le mieux, c’est lorsqu’il parle des rapports de l’Allemagne et de l’Angleterre au moment le plus aigu de la dernière crise, c’est-à-dire à la veille et au lendemain du jour où M. Lloyd George a prononcé son fameux discours. L’Allemagne avait alors, en ce qui concerne les concessions territoriales qu’elle nous demandait au Congo et au Gabon, des exigences si excessives, si exorbitantes que le gouvernement anglais, les sentant inadmissibles pour nous, désira avoir une conversation avec l’ambassadeur d’Allemagne et le pria de se rendre au Foreign Office. Sir E. Grey déclara au comte Wolff-Metternich que, si l’entente ne se produisait pas entre Paris et Merlin, la conversation commencée à deux se continuerait à trois, et, en attendant, il demanda ce que la Panther faisait et ferait à Agadir. Les journaux allemands assurent que le comte Wolff-Metternich a répondu avec une grande fermeté : il semble, au moins au début, avoir été plutôt dilatoire et évasif ; puis, M. Lloyd George ayant prononcé son discours, il est revenu au Foreign Office pour donner l’assurance que les intérêts anglais n’avaient rien à redouter de l’action allemande. Toute cette partie de la déposition de M. de Kiderlen semble avoir eu un double objet, qui a été d’ailleurs partiellement atteint : réveiller l’irritation de l’opinion allemande contre l’Angleterre accusée de s’être mêlée de ce qui ne la regardait pas, et agir sur cette partie de l’opinion anglaise qui, non seulement pacifique, mais pacifiste, est tentée aujourd’hui de trouver que M. Asquith et sir E. Grey ont dépassé la mesure et exposé l’Angleterre à des complications graves, sans qu’aucun intérêt britannique fût vraiment menacé. On a raconté, et le fait est exact, que le gouvernement anglais avait pris des mesures militaires qui, pour être purement préventives, n’en avaient pas moins été poussées assez loin, au point même qu’une question a été posée à ce sujet à la Chambre des Lords et qu’on s’est demandé si la sécurité de l’Angleterre aurait été assurée contre un débarquement éventuel, quand le pays aurait été dégarni des troupes de l’armée active transportées sur le Continent. Il a fallu que lord Haldane, l’ancien ministre de la Guerre, donnât à ce sujet des explications que les alarmistes seuls n’ont pas trouvées rassurantes. Tous ces traits divers, qui forment les élémens d’une campagne contre sir E. Grey, sont partis du discours de M. de Kiderlen à la commission du budget du Reichstag. La vengeance, dit-on, est le plaisir des dieux : quelle joie n’éprouverait-on pas en Allemagne, si sir E. Grey était obligé à donner sa démission comme l’a été autrefois M. Delcassé ! Les