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elle-même ? Une quinzaine auparavant, le 10 novembre, le chancelier en personne, M. de Bethmann-Hollweg, avait nettement assuré que, dans tout ce qui s’était passé cet été entre Londres et Berlin, l’honneur de l’Empire n’avait été ni engagé ni compromis, et, d’un bout à l’autre de l’Allemagne, les gens raisonnables avaient été très heureux de l’en croire. Que voulait dire maintenant M. de Kiderlen-Waechter ? Il y avait donc eu quelque chose ? Qu’est-ce donc qu’il y avait eu ? Après que M. de Bethmann-Hollweg s’était tu, et depuis le 10 novembre, que s’était-il produit pour qu’il fit ou laissât parler, par l’intermédiaire d’une agence, M ; de Kiderlen-Waechter, qui, dans un pareil cas, s’il eût parlé sans l’agrément de son chef, aurait manqué gravement à son devoir, à sa fonction et à son chef ? Le sens allemand, ou plus exactement prussien, de la hiérarchie se refusait à admettre une faute aussi grossière ; mais tout cela n’était guère apaisant.

C’est là-dessus qu’à l’heure annoncée, et au milieu d’un solennel silence, très pâle parmi les visages colorés où la Chambre des Communes s’honore de peindre la belle santé britannique, très calme sous les yeux qui l’écoutaient en quelque sorte autant que les oreilles, sir Edward Grey s’est levé. On peut dire de son discours qu’il fut en plusieurs points, mais en deux parties. Dans la première, sir Edward Grey rétablit en détail la chronologie de ses conversations avec le comte Wolff-Metternich, ambassadeur de l’Empire allemand à Londres ; chronologie à laquelle M. de Kiderlen-Waechter avait, par négligence, fait de légers accrocs. Ainsi M. de Kiderlen-Waechter avait avancé que, prévenu le 1er juillet de l’arrivée de la Panther à Agadir, le gouvernement de Sa Majesté britannique, jusqu’au 21, jusqu’au discours de M. Lloyd George, n’avait formulé aucune observation. Sir Edward Grey a rectifié, en précisant : « Le lundi 3 juillet, je priai l’ambassadeur d’Allemagne de me venir voir. Je lui déclarai que, le premier ministre et moi, nous avions considéré la situation comme si grave qu’elle devait être examinée par le Cabinet. Ne pouvant en dire plus long, en attendant la décision du Cabinet, je tenais néanmoins à faire savoir immédiatement au gouvernement allemand qu’à notre avis la situation était sérieuse et importante. » Si ce n’était pas là une observation, il devient difficile de savoir ce que les mots signifient. Dès le 3 juillet, le gouvernement de M. Asquith se saisit de la question marocaine, ou du moins de la question de l’envoi d’un navire allemand dans le port d’Agadir, comme d’une « question de Cabinet. » Le lendemain, mardi i juillet, second entretien de sir