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confidences de son collègue anglais, c’est qu’il se croyait obligé de lui faire remarquer que « cette question d’intervention relève aussi du pouvoir politique » et que, dès lors, il était tenu d’en entretenir le ministre de la Guerre. Quant à l’Anglais, il « insistait sur le fait que la conversation était absolument confidentielle et qu’elle ne pouvait lier son gouvernement. »

Les deux interlocuteurs n’étaient pas même d’accord sur le point capital, puisque, selon l’Anglais, son pays pouvait protéger notre neutralité malgré nous, tandis que, selon le Belge, des forces anglaises ne pouvaient débarquer en Belgique qu’avec notre consentement.

Des recherches ultérieures dans nos archives firent découvrir un autre document plus inoffensif encore, à savoir le résumé d’une conversation qui avait eu lieu entre l’attaché militaire anglais lieutenant-colonel Bridges et le général Jungbluth, qui avait succédé dans l’intervalle au général Ducarne comme chef de notre état-major…

Le général Jungbluth affirma que nous étions parfaitement à même d’empêcher les Allemands de passer, et l’entretien en resta là. Le gouvernement belge, — est-il nécessaire de le dire ? ― laissa sans suite aucune les rapports Ducarne et Jungbluth. Ceux-ci allèrent grossir les archives du ministère de la Guerre et tout fut dit. Ils n’ont aujourd’hui d’autre intérêt que de prouver avec quelle perspicacité, depuis huit ans, l’Angleterre avait pénétré les projets allemands.

Le croirait-on ? ces documents, qui avaient tout juste pour le gouvernement belge l’intérêt d’informations comme les agents de tout pays civilisé en adressent tous les jours à leurs supérieurs, les Allemands leur ont trouvé une importance telle qu’ils se sont empressés de les communiquer aux États neutres, de les publier par voie d’affiches dans toutes les communes du pays, comme « une preuve documentaire de la connivence belge avec les puissances de l’Entente, fait connu des services compétents allemands dès avant la guerre. »

Nous prenons le gouvernement allemand en flagrant-délit ; le gouvernement allemand avait au préalable falsifié le document. La traduction allemande du rapport du général Ducarne commettait un contresens des plus graves et impardonnable dans la reproduction d’une pièce à laquelle le gouvernement de Berlin attache une importance capitale : à l’endroit où le