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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/384

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Il semble qu’en volant une guêpe recouse
Le merveilleux éther par ses jeux dérangé.
Mon immobile rêve à l’ampleur d’un voyage ;
J’entends le bruit mouvant et lointain de l’été,
Murmure énigmatique, où tout est volupté.
Le ciel, aride et pur, est comme un bleu dallage,
Mon cœur calme bénit les dieux aériens,
Et je croise les mains, n’ayant besoin de rien
Que de penser à toi dans un clair paysage… »


APRÈS LA PLUIE


L’averse communique à l’air un goût marin,
Le vent frémit ainsi qu’une immense flottille,
La lune entr’ouvre aux cieux un aileron d’airain,
Une étoile endormie à peine brille et cille ;
Et je respire avec une ample volupté
Cette verte, élastique et fraîche crudité
Du feuillage content, qui, comme un hymne, élance
La pure odeur de l’eau dans le puissant silence.

Tout repose, l’air est mouillé comme une fleur,
Chaque point de l’éther tranquillement s’égoutte,
Je suis là, faible humain, je contemple, j’écoute.
Le vent noir vient à moi, et dans mon souffle heureux
S’élance avec l’odeur des torrents et des cieux.
Et mon cœur se dilate, et l’infini pénètre
La tristesse attentive et sage de mon être.
Je songe aux morts, je goûte avec austérité
La vie, et ce puissant, régulier délire
Qui, depuis l’humble sol jusqu’aux astres sacrés,
Etend l’acte divin et fier de respirer ;
Et les morts sont sans souffle, et dans leur sombre empire
Jamais plus ne descend ce grand ciel aéré
Qui m’accoste et m’imprègne.
O monde, je respire !