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Je regardais les cieux par la fenêtre ouverte ;
Le cèdre bleu, d’un si haut jet,
Reposait sur le soir ses branchages inertes
Qui semblaient prier. Je songeais.

Des oiseaux aux longs cris allaient rafler dans l’ombre
Les derniers parfums engourdis,
Deux étoiles naissaient, humectant l’azur sombre,
Je me disais : « Le Paradis

C’est de suivre l’oiseau et de joindre l’étoile
Et d’appartenir à l’éther. »
Et mes forces cédaient comme on défait un voile,
Je me mélangeais avec l’air.

J’entendis un râteau faire au bord des pelouses,
Parmi les graviers murmurants,
Son bruit lisse et perlé. Je n’étais pas jalouse
De la vie, en mon cœur mourant !

J’étais astre, feuillage, aile, parfum, nuage,
Doux chants du monde ralenti,
Mon âme recouvrait son tendre parentage
En touchant les cieux arrondis.

— Puissé-je ainsi mourir, sans crainte et sans supplice,
Le soir calme d’un jour d’été,
Et retrouver, au bruit d’un jardin qu’on ratisse,
Cette païenne sainteté !…


Comtesse de NOAILLES.