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sans avoir reçu d’autres instructions que celles-ci : « Vous connaissez la situation ; faites pour le mieux à l’effet d’y remédier. »

Quelques jours plus tard, ayant rejoint son poste, il y recevait du ministre une lettre qui les lui donnait sous une forme un peu plus précise.

« Nous n’avons pas cessé et nous ne cesserons pas de professer pour la Russie les sentiments de la plus vive amitié ; nous serons toujours prêts à rendre à nos rapports diplomatiques l’intimité qui leur convient et que désire, croyons-nous, la population des deux pays ; mais notre dignité nous interdit, M. de Giers sera le premier à le comprendre, de renouveler des démarches qui ont été jusqu’ici si peu couronnées de succès. Nous attendrons patiemment que le gouvernement russe mieux éclairé en revienne à une appréciation plus exacte des hommes et des choses de notre pays. Ce retour, que nous désirons, nous parait inévitable, car il est commandé par la logique et la vérité en même temps que par l’intérêt des deux nations. »

Après avoir exposé en ces termes les sentiments de cordialité que la France nourrissait pour la Russie, M. de Freycinet traçait au jeune chargé d’affaires la conduite qu’il devait tenir dans le poste difficile qu’on lui confiait :

« Abstenez-vous avec M. de Giers et ses suppléants de toute démarche ou même de toute allusion relativement à la nomination de notre ambassadeur. Si M. de Giers aborde le sujet, vous suivrez votre interlocuteur dans la stricte mesure où il se tiendra lui-même. Invitez M. de Sermet (attaché militaire de l’ambassade) à s’abstenir également de toute allusion. Nous laisserons au temps le soin de changer des dispositions dans lesquelles nous n’avons aucune responsabilité. Conservez d’ailleurs à vos relations le caractère de cordialité et de courtoisie que permettent les circonstances. Pour le moment, votre tâche doit être de vous faire bien venir personnellement. »

La lettre d’où sont tirés ces extraits, datée du 16 juillet, était telle qu’on devait l’attendre d’un ministre qui avait pour premier devoir de diriger à distance les débuts d’un jeune diplomate qu’on pouvait croire dépourvu encore de l’expérience qui permet de résoudre une situation délicate et difficile. Lorsqu’il en prit connaissance, le comte d’Ormesson avait déjà vu par deux fois le ministre russe a qui M. Ternaux-Compans l’avait