Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

événements importants ainsi qu’en transformations qui produisent l’effet d’un coup de théâtre et qui se répercutent sur les années suivantes. Ces événements, Paul de Laboulaye les a vus se dérouler ; il les a commentés, et lorsqu’on en examine aujourd’hui les conséquences, il faut reconnaître à sa louange qu’il s’est rarement trompé dans ses appréciations et ses commentaires.

Parmi ces événements, nous signalerons en passant la visite qu’Alexandre III, revenant de Copenhague pendant l’automne de 1887, fit à Postdam, et l’entrevue orageuse qu’il eut avec Bismarck qu’il accusa de jouer double jeu et de favoriser sous-main les pires ennemis de la Russie, tandis qu’il protestait de son attachement pour elle. Comme celui-ci protestait, l’Empereur d’un geste de colère lui présenta une lettre signée de Ferdinand de Cobourg, adressée à la comtesse de Flandre, sœur du roi des Belges, dans laquelle le nouveau prince de Bulgarie se flattait de l’appui secret du chancelier d’Allemagne. Si la lettre était authentique, elle prouvait que celui-ci, tandis qu’il blâmait publiquement les intrigues et les prétentions du futur tsar des Bulgares, lui avait promis de le soutenir. Bismarck indigné s’écria que le document était apocryphe et promit d’en fournir la preuve. Il est juste de reconnaître que l’authenticité n’a pu en être établie et qu’Alexandre se laissa convaincre par les protestations de son interlocuteur. De cet épisode sensationnel dont il ne reste à l’heure actuelle qu’un souvenir à demi effacé, il n’y a lieu de retenir que l’agitation qu’il provoqua dans toutes les chancelleries. Il a toujours été admis que si le document était l’œuvre d’un faussaire, les dispositions qu’il attribuait au chancelier exprimaient la vérité. C’est seulement à ce point de vue qu’il méritait d’être rappelé ici. Il complète, faux ou vrai, le dossier des intrigues de Bismarck contre la Russie, telles qu’elles se sont révélées depuis.

L’attention publique se détourna bientôt de cet incident par suite d’un événement qui ne surprit personne, car il était attendu, mais qui livra l’Europe aux appréhensions les plus vives. Au mois de mars 1888, Guillaume Ier rendait l’âme, et son fils lui succédait sous le nom de Frédéric III. Ce prince n’était déjà qu’un moribond. Son règne ne devait être qu’un interrègne et, quelques semaines plus tard, la couronne