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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/444

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l’Amérique s’était révélée à eux comme la terre de la liberté, de la richesse, des desseins infinis. Je ne cède, je crois, à aucune illusion flatteuse, à aucun prestige fictif en rappelant ici ce qui m’avait frappé dans mon expérience personnelle de l’Extrême-Orient, à savoir que, dans l’opinion des mandarins de Chine comme des esprits éclairés du Japon, les grands pays de l’Ouest, ceux qui avaient été les conducteurs et les guides de l’humanité étaient vraiment la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis.

L’Allemagne ne leur est apparue qu’il y a un demi-siècle, et si, à Pékin ou à Tokyo, elle a eu certains admirateurs de ses succès éphémères, de son organisation militaire, de son développement commercial, de son habileté à tirer des sciences les applications les plus fructueuses, elle n’avait pas atteint le rang que les Puissances plus anciennes par leur histoire et par leur influence continuaient à occuper. Il n’est que juste, au reste, de constater que, si la Grande-Bretagne, la France, les États-Unis, la Russie elle-même ont, en mainte circonstance, témoigné des sentiments d’amitié, de générosité envers la Chine et le Japon, si l’alliance d’aujourd’hui a été précédée de bonnes et cordiales relations, l’Allemagne n’a guère laissé, soit à la Chine, soit au Japon, que le souvenir d’actes de violence ou de perfides intrigues. Si l’histoire des vingt-cinq dernières années a vu la Chine s’unir avec la Russie et la France, le Japon contracter des alliances avec la Grande-Bretagne, et le Japon, puis la Chine, devenir les alliés de l’Entente dans la guerre qui s’achève, elle montre l’Allemagne avide, incertaine de ses voies, passant d’un dessein à l’autre, excitant les Puissances tour à tour les unes contre les autres, et ne cherchant qu’à pêcher et recueillir en eau trouble les avantages matériels, le butin qu’elle convoitait. C’est par de justes représailles, ou plutôt par un effet de l’immanente justice, que l’Allemagne, vaincue en Occident, était aujourd’hui expulsée des territoires qu’elle s’était traîtreusement annexés à la pointe extrême de l’Asie orientale, comme des îles de la Polynésie qui n’étaient sans doute que les points d’appui, les étapes de ses futures agressions.

Le Gouvernement japonais avait, dans l’ardeur même de la bataille, marqué son admiration et sa foi aux Alliés en décernant un sabre d’honneur à la ville de Verdun pour sa défense