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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/451

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multiplier les points de contact, organiser les relations et préparer une amitié. Largement, elle ouvrit aux professeurs et aux étudiants Suissesses universités, aux écrivains ses maisons d’édition et ses revues. Elle suivit de près le mouvement artistique et littéraire de la Suisse, accueillant et fêtant ses poètes, ses peintres et ses musiciens. Attentive à leurs travaux et à leurs initiatives, elle appelait les hommes de talent, et les mettait en mesure de développer leurs recherches. Les étudiants, les Romands comme les Alémaniques, allaient volontiers continuer dans une université allemande leurs études commencées en Suisse. Ils y trouvaient toutes les facilités d’ordre administratif, l’équivalence des « semestres, » et souvent une large hospitalité dans les familles des professeurs. Peut-on s’étonner s’ils gardaient de leur séjour de bons souvenirs et de fidèles amitiés ?

Au début de la grande guerre, réveillés en sursaut, nous nous sommes aperçus qu’une partie de notre élite intellectuelle suisse alémanique, prêtres, pasteurs, professeurs, demeurés sous l’impression de leurs souvenirs de jeunesse, gardaient à l’Allemagne leur reconnaissance et leur affection. Ils l’écoutaient encore, partageant l’illusion de son peuple qui se croyait attaqué, trompés comme lui par les mensonges officiels. On sait qu’un certain nombre d’entre eux, plus clairvoyants, répudièrent leurs amitiés d’autrefois et firent entendre à leurs compatriotes de salutaires vérités. D’ailleurs, en dépit de la propagande allemande effrénée, d’autres, de mois en mois, se ressaisissaient, avertis par le danger que courait la Suisse, par le chantage que les Allemands tâchaient d’exercer sur elle, par les crimes qui se succédaient et dont l’Allemagne essayait de se disculper, au fur et à mesure qu’elle en perpétrait de nouveaux. L’incessant cortège de malheureux rapatriés français, la vue quotidienne de leur misère, l’injustice dont ils étaient victimes, éloignèrent définitivement de l’Allemagne le cœur du peuple alémanique.

Nous ne reviendrons pas sur ces faits. Nous y faisons allusion parce qu’ils permettent d’éclairer l’avenir. Nous nous sommes rendu compte à ce moment-là que toute une partie de la Suisse ne connaît pas suffisamment la France.

L’influence française, quel puissant antidote contre l’emprise allemande ! Cette influence discrète, qui, loin d’aliéner nos esprits et d’entamer notre conscience de Suisses, nous