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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/656

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exemple de souplesse et de rapidité digne de rester célèbre dans l’histoire des guerres. Foch, après avoir pris la mesure de l’attaque, allait surprendre l’ennemi par la vitesse de la parade. Le raid du 2me Corps de cavalerie (général Robillot) constitue un record mémorable. Retiré de la bataille d’Amiens le 9 avril, après douze jours de combats, alerté le 12 à une heure de l’après-midi dans la région d’Aumale, il arrivait le lendemain aux environs de Saint-Omer et le 15 au matin dans le petit bourg de Steenworde, ayant couvert cinquante lieues en 67 heures, et 120 kilomètres dans la première étape. Qu’un pareil résultat fût possible avec quelques chevaux triés sur le volet, particulièrement résistants et soumis à un entraînement spécial, c’est une chose qu’on aurait discutée en temps de paix entre gens du métier : mais nul n’aurait osé soutenir qu’il le ferait en masse, avec convois et équipages, sur des routes encombrées, sans laisser à la traîne un homme ni un cheval. Pour ceux qui se demandent ce qu’a fait la cavalerie pendant la guerre, cette performance est une réponse. Peut-être rien n’a-t-il plus manqué aux Allemands, au cours de la dernière campagne, que quelques bons corps de cavalerie.

Ce n’est pas la première fois que le Corps de cavalerie exécutait ce voyage : il l’avait déjà fait, au temps de la « course à la mer » et de la première « mêlée des Flandres. » Il se retrouvait donc en pays de connaissance. C’était, comme autrefois, ce pays de longues routes bordées d’ormes ou de peupliers, et pavées au milieu de ce ruban de chaussée qu’encadrent des fondrières, d’où leur vient en flamand le nom de steenstraete. C’était, comme alors, sur ces routes et sur tous les chemins, l’immense remue-ménage et le branle-bas des grandes batailles : des allées et venues de convois et de troupes, un coudoiement de chariots et de trains d’artillerie, des passages d’émigrants, des colonnes d’infanterie qui montent ou descendent, Anglais coiffés de la salade élégante à bords plats, poilus portant la bourguignote, le tout s’écoulant comme deux fleuves qui chemineraient en sens inverse, et au-dessus desquels apparaissaient, tanguant, fumant, soufflant, les bâches des camions mastodontes. C’était encore une fois, à cet étrange carrefour de peuples qu’est la Flandre, comme une rencontre de deux mondes. On voyait les Anglais avec leurs attelages luisants, gras, bien nourris, leurs cuivres fourbis, leurs