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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/664

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détritus pareils aux décombres d’un champ de foire, baraques, écuries, anciens abris, anciens dépôts qui obstruent le terrain et le défigurent, constituent autant d’obstacles, de complications, de défilements ou de nids a surprises.

C’est sur cette ligne que, depuis le 16 avril, la division Madelin avait arrêté les Allemands. Formée de ces sérieux Lyonnais, de solides Savoyards, cette 28e division avait déjà un beau passé. A Thiaumont, au Chemin des Dames, à la Malmaison où elle avait gagné sa fourragère, dans les circonstances les plus dures, c’était la troupe des missions difficiles. Il lui manquait la gloire. Est-ce la gloire qui l’attendait sur le Kemmel ? Au seuil de la frontière, devant nos plaines captives du Nord, un espoir agitait les cœurs. La division arrivait d’Alsace, brusquement transportée en trois jours, fraîche, prête à tout, heureuse de se donner tout entière, exaltée par le sentiment de ces instants critiques. Etait-ce le moment attendu de la contre-attaque victorieuse, le moment de bousculer l’ennemi ? Déjà on découvrait les cheminées de Lille. Déjà, dans les regards, que d’impatience et de tendresse !

Cependant les Allemands, après leur échec du 18, se préparent à un nouvel effort. La possession du Kemmel leur est indispensable comme préface à l’occupation des monts. De là notre canon tient sous le feu toutes les lignes d’Armentières à Wytschaete, fait à l’ennemi la vie dure. Pas un mouvement possible au fond de cette impasse, tant que nous disposons sur son flanc de cet emplacement de batteries et de cet observatoire. Pour cette attaque, l’ennemi forme rapidement une masse de choc, composée de cinq divisions fraîches retirées d’Alsace et de Lorraine, dont deux divisions d’élite, la 4e bavaroise, que commande le prince Franz, frère du roi de Bavière, et le Corps alpin, un des corps célèbres de l’armée, un de ceux qui ont été partout, en Tyrol, en Serbie, à Verdun, en Argonne, deux fois en Roumanie, et qui ont pris en novembre une part décisive à la bataille de Tolmino. On observe en même temps un accroissement menaçant du nombre des batteries ; celles-ci sont réparties en deux groupes principaux, l’un à l’Est, l’autre au Sud-Ouest, de façon à croiser leurs feux, auxquels se superpose celui d’un groupe intermédiaire, écrasant la position de face, tandis qu’un dernier groupe, au Nord, exerce par derrière une action latérale. On signale d’Armentières plus de vingt