Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/672

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crête. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, la 39e division réduit la poche de Brulooze. L’hospice de Locre passe de mains en mains. Chassés le 30 avril, nous y rentrons dans la nuit du 3 mai pour deux heures, et le perdons de nouveau. Le 4 et le 5 mai, une série de petites offensives générales sur tout le front nous rend des fermes, des points d’appui qui consolident nos positions. Dans toutes ces actions, c’est nous qui avons l’initiative. L’offensive ennemie est définitivement brisée. Le 18 mai, après une préparation de dix minutes, nous attaquons au Sud de Dickebusch sur un front de deux kilomètres et faisons cinq cents prisonniers. Brillante action, où s’illustre une fois de plus la « division des as, » la fameuse division Philipot. L’ennemi ne réagit pas. La bataille des Flandres est finie.


V. — LES BRAVES GENS

Ainsi s’achève, sans conclure, cette bataille étrange et un moment si menaçante. Pendant quinze jours, dans ce tragique printemps de 1918, c’est là que se joua le destin. Aujourd’hui, tous ces lieux sont enveloppés du même suaire de solitude et de silence. Ils sont repris par la paix de l’immense cimetière, dans la majesté de mort des lieux où s’est faite l’histoire. Comment s’expliquer à distance que ces champs, ces hauteurs aient été l’obsession et le tourment du monde, comme l’image lumineuse projetée sur l’écran qui remplit un moment l’attention des foules, et qu’une autre bientôt remplace ? Douaumont, Vaux, le mont Kemmel, collines qui tour à tour ont été les points sensibles de l’univers ! Comment comprendre à présent leur puissance d’émouvoir et leur pathétique éphémère ? Peut-être qu’aujourd’hui, parmi tant de préoccupations nouvelles, ces choses paraissent déjà lointaines. La guerre s’efface vite dans le passé. Mais au retour du premier anniversaire, il est juste d’avoir un souvenir pour l’héroïsme des mauvais jours, qui prépara les jours heureux de maintenant. Il a eu le rôle ingrat et n’a pas connu la fortune. Mais il a été la condition du salut. Belges qui à Merckem avec six bataillons en battaient quinze allemands, Anglais stoïques, qui tant de jours soutinrent seuls le poids de la lutte, Français qui sortaient d’une bataille pour courir à une autre, marchaient