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de 1871 : espérons qu’en ce cas leur démonstration resterait aussi platonique que le fut celle de leurs modèles allemands. Au dehors, on peut prévoir que, pour répondre à l’alliance occidentale (étendue, comme elle doit l’être, à l’Italie et à la Belgique) et contrebalancer la perte de ses colonies, l’Allemagne dessinera une énergique tentative d’exploitation de la Russie et de l’arrière-Russie, qu’elle seule a pu organiser dans le passé, à moins que, dans l’avenir, elle n’y soit devancée par les États-Unis et le Japon. Entre temps elle exhibera l’épouvantail du bolchevisme ; mais espérons que, dans ce temps-là, les gouvernements de l’Entente et le gouvernement associé auront contre ce fléau une politique. Pour le quart d’heure, si nous n’en parlons plus, c’est que nous avons renoncé à comprendre; quant à ce que nous croyons deviner, il ne nous paraît pas opportun de le dire.

Déjà l’Allemagne prend les devants, et, de même qu’elle déclare le traité « inacceptable, » n’étant pas très certaine de ne pas l’accepter, elle le déclare « inexécutable. » Mais s’il ne dépend que d’elle qu’il soit accepté, il devrait dépendre de nous qu’il fût exécuté. Or, cela n’en dépend que trop peu, et c’est ce qu’il y a, dans ce traité même, de plus regrettable. Nous avons eu beau lire et relire tous ces jours-ci le texte, ou, puisqu’il est secret, le résumé qui fait foi; nous y avons trouvé plus d’un motif de confirmer, pas un de réviser notre premier jugement. C’est une paix forte avec des parties faibles : c’est une trame très serrée avec de grands trous. C’est une paix qu’on eût pu, autrefois, appeler « boiteuse et mal assise, » parce qu’elle est mal proportionnée, et que ses moyens ne sont pas en rapport avec ses conditions, et à d’autres égards encore. Elle contient, en ses clauses territoriales, trop de cotes mal taillées, de compromis, ouvre trop de vie di mezzo, coupe trop de poires en deux. Mais le propre des cotes mal taillées est qu’elles sont mal taillées pour les deux parties, et le défaut des compromis est de ne satisfaire personne. Donner à l’un et refuser à l’autre, c’est faire, dit-on, un ingrat et un mécontent; mais partager entre les deux, c’est faire deux mécontents et deux ingrats; ils accuseront toujours l’arbitre de n’avoir laissé à chacun qu’une coquille. L’inconvénient du système apparaîtra mieux quand on connaîtra avec plus de détails les arrangements relatifs à l’Europe orientale, Pologne, Tchéco-Slovaquie, Yougoslavie, Macédoine, à l’Asie mineure, etc. ; quand, au traité avec l’Allemagne, seront venus s’ajouter les traités avec l’Autriche, la Hongrie, la Turquie, la Bulgarie. Il est permis de craindre que la nouvelle