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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/743

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j’espère qu’ils accueilleront ma démarche comme une première preuve de ma cordiale gratitude.

Permettez-moi de vous dire combien je regrette de n’avoir pu joindre ma voix à celles qui vous ont élevé à la place d’honneur dont vous êtes si digne et agréez l’assurance de mes sentiments dévoués[1].

EMILE OLLIVIER.


A Monsieur Biard d’Aunet.

8 septembre 1871.

La question que vous me posez sur le suffrage universel est fort sérieuse. Le suffrage universel est la forme, la manifestation de la démocratie ; détruire le suffrage universel, le mutiler, équivaut à mutiler ou à détruire la démocratie. Je considère cette entreprise comme au-dessus des forces de qui que ce soit. Le suffrage universel peut être mieux organisé, ses modes de fonctionnement peuvent être perfectionnés, mais il serait malaisé de le supprimer. Je n’ose même pas penser que cela serait désirable, car j’ai bien souvent trouvé plus de bon sens chez le paysan qui ne sait pas lire que chez le boutiquier censitaire ou l’ouvrier mi-lettré des villes.

Le mal de notre pays n’est pas dans le suffrage universel, mais bien plutôt dans le mépris où l’on tient ses décisions. Je suis persuadé qu’il n’y a qu’un moyen de sortir du gâchis actuel, c’est de lui faire nettement appel et de traiter ensuite comme séditieux quiconque résistera à son jugement. L’essentiel est que l’appel soit loyal et direct. Les assemblées constituantes sont une illusion et une sottise. Les plébiscites seuls peuvent constituer, ensuite les assemblées organisent le pouvoir constitué par la nation. A toute société il faut un principe d’autorité : je cherche vainement où il pourrait être en dehors du suffrage

  1. Extrait du Peuple souverain — 15 novembre 1871. « Nous pouvons absolument garantir le fait suivant : M. Ollivier vient d’adresser au secrétaire perpétuel de l’Académie française une lettre que nous avons sous les yeux et dont voici à peu près le sens : « Monsieur, le bruit court que ma réception à l’Académie va être indéfiniment ajournée. Je viens protester contre une semblable résolution de mes nouveaux confrères. Je ne crois pas que pareil procédé ait jamais été employé avec un académicien qu’on aurait dû commencer par consulter. J’ai besoin de prononcer mon discours, c’est ma justification et ma glorification politique et il faut que je le prononce au plus tôt. Agréez, etc.