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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/882

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Ainsi, évoluant hors de ses prémisses, la question des troupes noires s’est développée, pour ainsi dire de force, sous la poussée des événements : péniblement, la fonction aura créé l’organe. Là aussi, la conception de la guerre totale a mis du temps à se faire jour : trois ans d’une lutte vitale, féroce, le fer allemand sur notre poitrine. Retard qui n’a pas permis la formation de l’armée noire en divisions de choc qu’avait rêvée son auteur. Mais, au moins, la force noire intercalant aux heures des luttes suprêmes et des derniers assauts des hommes parmi les nôtres, a pu prendre sa part méritée de la plus noble tâche : le salut de la plus belle patrie par les plus beaux soldats… C’est par la porte de la victoire que ces nouveaux fils de la France seront entrés dans sa maison, lui rendant au centuple son sang répandu pour leur libération.

De l’expérience menée à bonne fin et acquise aujourd’hui, reste à tirer cette conclusion pratique : la guerre a révélé un facteur nouveau de puissance française : la Force Noire, dont la valeur générale, tant européenne que coloniale, éprouvée maintenant, ne peut plus être mise en doute. Il doit donc être exploité au même titre que nos autres éléments de puissance. Parce qu’il en est un d’abord. Par simple raison d’équité ensuite. Inconsciemment sans doute, très réellement cependant, nos populations noires ont participé aux bénéfices de la victoire. Elle les a sauvées de l’abominable esclavage colonial allemand. Il est donc juste qu’elles participent à nos communes charges militaires. Ainsi, motifs de droit et de fait se réunissent pour nous obliger à accroître, dans la mesure du possible extrême, le développement de nos recrutements noirs, par-delà la durée des circonstances actuelles.

Leur emploi est d’ailleurs immédiat, si même, une fois encore, il n’est déjà tardif. Il y a sur la rive gauche du Rhin, plus outre demain peut-être, de vastes gages territoriaux ou économiques allemands, qui sont et seront longtemps à garder. Qu’un bataillon noir y veille, c’est un bataillon blanc, de nos soldats de France, ouvriers, laboureurs, libéré pour des tâches productrices : manquent-elles dans nos régions dévastées ? C’est aussi l’étude technique et approfondie de la valeur militaire noire, étude poursuivie dans la paix sereine, pour écarter