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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/913

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indigènes sont pris plus volontiers que les Allemands. » Son directeur, M. Heyler, « combat dans la commune tout ce qui est Allemand et tout ce qui tient au germanisme. » On l’accuse d’avoir laissé, dans une fête, déployer le drapeau français et chanter la Marseillaise, et d’avoir aidé des ouvriers, reconnus bons pour le service militaire en Allemagne, à partir pour Belfort. Malgré le long réquisitoire du sous-secrétaire d’État, M. Mandel, la Chambre vote un ordre du jour dans lequel elle « blâme de la façon la plus énergique l’attitude du gouvernement d’Alsace-Lorraine. » Elle exige qu’à l’avenir ce gouvernement a défende les intérêts alsaciens-lorrains de la manière la plus efficace et emploie tous les moyens pour réparer le dommage qu’il a causé à la Société alsacienne. »

Ce langage, auquel le gouvernement n’est pas habitué, indique qu’il y a quelque chose de changé dans la Terre d’Empire. La seconde Chambre a pris conscience d’être l’interprète du pays. Elle n’hésite donc pas à intervenir quand les événements de Saverne mettent aux prises l’autorité civile et l’autorité militaire. Le 15 janvier 1914, à la suite d’une interpellation qui a duré trois jours, elle vote à l’unanimité un ordre du jour reprochant au gouvernement de n’avoir pas montré plus d’énergie pour obtenir satisfaction des offenses faites au peuple alsacien-lorrain, et réclamant l’autonomie du pays, la réforme de la justice militaire, et une limitation du pouvoir militaire conforme aux idées modernes.

Aussi, dès que, par suite de la mobilisation et de l’état de siège, tous les pouvoirs sont réunis entre les mains de l’autorité militaire, celle-ci déclare qu’elle empêchera le renouvellement de « certaines séances agitées du Landtag. » Il est donc impitoyablement bâillonné par un régime que, quatre ans plus tard, dans une déclaration collective, les députés alsaciens-lorrains devaient juger en ces termes : « Le régime militaire, avec un absolutisme dénué de tout égard, a étouffé toute la vie politique du pays, suspendu l’organisation des partis, supprimé les libertés d’association, de réunion et de la presse, et même dépouillé le Landtag d’Alsace-Lorraine de ses droits constitutionnels. Ainsi, pendant quatre ans, on a rendu impossible l’expression de toute opinion politique »[1].

  1. Strassburger Neue Zeitung, 25 octobre 1918.