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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/916

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restreint la liberté de parole dans le Landtag d’Alsace-Lorraine que celui-ci renonçait à dire un mot sur les demandes de crédit présentées par le gouvernement. Mais, dans les chancelleries des États confédérés, on parlait et on écrivait d’autant plus sur la Terre d’Empire qu’on espérait gagner quelque chose à son partage. Il n’y a pas longtemps que Beck, ministre des Cultes en Saxe, essaya d’obtenir de la Bavière et du Wurtemberg la peau d’ours de Lithuanie, en échange des raisins verts d’Alsace-Lorraine[1]. »

C’est dans cette lourde atmosphère d’inquiétude que, le 6 juin 1917, s’ouvrit la cinquième session du Landtag. Les membres libéraux du gouvernement impérial, et surtout le chancelier, M. de Bethmann-Hollweg, cherchant à défendre la constitution de l’Alsace-Lorraine contre cette coalition de convoitises, mirent tout en œuvre pour obtenir des Chambres une déclaration de loyalisme. Du côté de la Chambre haute, toujours dévouée au pouvoir, la chose était facile. Son président, le docteur Hoeffel, dans son discours de clôture de la session, célébra les bienfaits du régime allemand : puissant développement de l’agriculture et de l’industrie, rapide accroissement des communications, progrès vers la solution des problèmes sociaux et politiques. Puis il insista sur les liens économiques, ethnographiques et linguistiques qui unissaient l’Alsace-Lorraine à l’Empire. Mais que valaient ces déclarations d’une Chambre dont la moitié des membres était nommée par l’Empereur ?

C’est sur la Chambre basse que le gouvernement concentrait tous ses efforts. Dans une réunion confidentielle il fit proposer, par un membre libéral allemand, une déclaration de loyalisme à l’Allemagne. L’abbé Müller répondit qu’on ne pouvait demander aux Alsaciens une déclaration de ce genre, après leur avoir fait subir tant de mauvais traitements, qui les avaient libéralement jetés dans les bras de la France. Le secrétaire d’Etat M. de Tschammer, qui assistait à la délibération, désavoua aussitôt l’initiative qu’il avait provoquée et, devant l’opposition qui se manifestait de la part du Centre, des socialistes et des Lorrains, la proposition échoua.

Cependant l’impatience du gouvernement de Berlin était

  1. Leipziger Abendzeitung, citée par la Freie Presse du 4 novembre 1918.