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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/920

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Par un admirable retour des choses, c’étaient maintenant leurs oppresseurs qui les conjuraient d’accepter l’autonomie. Le 16 octobre, dans une réunion des députés d’Alsace-Lorraine au Reichstag, les Allemands proposèrent de lire à la tribune une déclaration collective où tous les députés de la Terre d’Empire réclameraient pour elle le droit de régler elle-même son sort. M. Peirotes répondit qu’il avait réclamé ce droit pendant toute sa carrière politique et même pendant les plus mauvais jours de la guerre, mais il refusa de s’associer à ses anciens adversaires, si tardivement convertis à son programme. L’abbé Delsor fit une déclaration dans le même sens[1].

Le gouvernement impérial espérait-il encore arracher au président du Landtag une déclaration analogue à celle de l’année précédente ? M. Ricklin, de passage à Berlin, fut invité à se rendre chez M. Lewald, sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur. Celui-ci, avouant ses efforts en vue de décider l’Alsace-Lorraine à se prononcer par plébiscite en faveur de l’Allemagne, annonça la formation imminente d’un ministère composé de députés alsaciens-lorrains, parmi lesquels M. Peirotes. M. Ricklin répondit qu’il ne croyait pas que M. Peirotes acceptât jamais d’entrer dans un ministère dont l’objet déclaré était de conserver l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne, puisqu’il estimait que la majorité de la population souhaitait le retour à la France. Il ajouta qu’à son propre avis, en cas de plébiscite, la séparation de l’Alsace-Lorraine et de l’Empire allemand serait votée par 90 pour 100 des voix, parmi lesquelles au moins 75 pour 100 se prononceraient en faveur de la réunion à la France. A un autre sous-secrétaire d’Etat, qui demandait quel serait, s’il fallait opter entre l’Allemagne et la France, le résultat d’un vote secret du Landtag, le président de cette assemblée répondit que les quatre cinquièmes des députés voteraient contre l’Empire allemand[2].

Enfin, pour donner à ses sentiments une manifestation publique, — et effarer autant que possible l’impression laissée par les paroles qu’il avait prononcées en 1917, — M. Ricklin, « au nom du groupe alsacien-lorrain, » fit le 23 octobre au Reichstag la déclaration suivante au sujet des réformes si hâtivement introduites : « Sans doute le gouvernement allemand

  1. Freie Presse du 28 et du 30 octobre 1918.
  2. Elsässer du 5 novembre 1918.