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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/925

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l’Empereur le bouleversement de l’Empire a retiré la base légale de ses droits. Ainsi la population de l’Alsace et de la Lorraine a hérité du pouvoir public, que notre Chambre, issue du peuple, a non seulement le droit, mais le devoir d’exercer. Nos collègues réunis hier ici se sont vus contraints par les événements à se constituer en Conseil national, et à élire une délégation administrative pour assurer l’expédition des allaires. » Cette délégation s’associe immédiatement au Comité exécutif du Comité des ouvriers et des soldats, avec lequel elle a un membre commun, M. Imbs. Les deux corps déclarent agir en pleine conscience de la gravité de leur lâche, qui consiste « à éviter la continuation de la misère et de l’effusion du sang, à maintenir l’ordre et à créer un état digne d’un peuple libre. »

Pendant ce temps le Conseil des ouvriers et des soldats fait hisser à la tour de la cathédrale un énorme drapeau rouge qui doit annoncer à toute l’Alsace le triomphe du socialisme. Quinze ans auparavant, dans une proclamation électorale, M. Peirotes avait écrit : « Nous hisserons le drapeau rouge sur la vieille cathédrale d’Erwin,… et aucun pouvoir au monde ne pourra plus le faire descendre. » La réalisation de ce programme inspire au président du Conseil des ouvriers et des soldats une déclaration enthousiaste[1] : « Le drapeau rouge sur la cathédrale prouve que la théorie socialiste a vaincu le pouvoir du capitalisme et de la réaction. » Il y voit le symbole de la réconciliation universelle, et s’adresse à la population de l’Alsace et de la Lorraine pour qu’elle ne trouble pas la retraite des troupes allemandes.

Enfin, pour la France, « le jour de gloire est arrivé. » Ses soldats, par toutes les routes de la Lorraine, par tous les cols des Vosges, commencent leur marche dans la terre promise. Ceux qui ont pris part à cette marche triomphale, qui ont vu l’accueil que chaque village d’Alsace et de Lorraine fit à ses « libérateurs, » comme les appelaient les inscriptions répétées sur tous les arcs de triomphe, n’oublieront jamais ce défilé au milieu des acclamations, dans les rues pavoisées, sous le regard des portraits d’ancêtres qui, placés devant les fenêtres, semblaient assister à la réalisation de leur rêve.

Les sentiments dont cette population déborde, ne se

  1. Freie Presse, 15 novembre.