Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa profonde conviction que le salut de la Russie et l’avenir du principe monarchique exigeaient à tout prix un retour au gouvernement absolu ; je crois même que la perspective d’exercer lui-même la dictature ne joua a ses yeux qu’un rôle secondaire

Est-il exact que M. Milioukoff et les autres chefs cadets aient pris les propositions du général Trépoff au sérieux et se soient crus, grâce à son assistance, à l’instant de toucher au pouvoir ? Des écrivains distingués, particulièrement liés avec le parti cadet, l’ont affirmé ; j’incline plutôt à croire que M. Milioukoff ne négociait d’un côté avec le général Trépoff, et de l’autre avec M. Stolypine, que pour « amuser le tapis, » en attendant le moment où le triomphe certain de son parti aux prochaines élections ferait de lui l’arbitre de la situation.

Pour ce qui est de l’attitude adoptée à cette occasion par l’Empereur entre le général Trépoff et M. Stolypine, elle est particulièrement typique et peut servir à éclairer bien des épisodes ultérieurs. Facilement influençable par des natures plus fortes que la sienne, surtout lorsque leur action s’exerçait dans le sens de ses naturelles tendances réactionnaires, Nicolas II n’en était pas moins, surtout à l’époque dont il s’agit, accessible aux arguments de ceux qui faisaient appel à son bon sens et à sa loyauté innée. Cela explique que M. Stolypine, doué lui-même d’une forte volonté, non moins que d’un parfait esprit de droiture, n’ait pas eu plus de peine à le détourner de suivre les conseils du général Trépoff. Si plus tard, dans des circonstances particulièrement graves, l’empereur Nicolas s’abandonna définitivement à des influences qui le conduisirent à sa perte, c’est, j’en ai la profonde conviction, qu’il n’avait plus auprès de lui un homme de la valeur morale de M. Stolypine, dont la mort prématurée fut un désastre irréparable.


Déçu, mais non découragé, par l’échec infligé à sa tentative de constituer un Cabinet de coalition, M. Stolypine s’était mis résolument à l’œuvre, pour employer de la meilleure manière l’intervalle de sept mois et demi qu’il avait devant lui jusqu’à la réunion de la seconde Douma. Son programme, qui fut rendu public un peu plus tard, dans le courant du mois de septembre, visait un double but ; d’un côté, le maintien, ou