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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/17

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se fait toute à tous, une idée qui se dévoue, qui se propose, qui se présente, respectueuse et libre, à l’adhésion des âmes, libres elles-mêmes. Cette flamme pouvait-elle s’allumer, cette vie s’éveiller, cette idée, même, pouvait-elle prendre essor, parmi la stagnation majestueuse, assoupie, que l’État des Habsbourg prétendait imposer à l’Eglise ? Une expansion lui était permise, celle des processions ; et c’était à peu près la seule. Pie IX, en 1830, sanctionne en Grande-Bretagne, par le rétablissement d’une hiérarchie épiscopale, les magnifiques progrès du Credo catholique ; il se trouve en Europe un homme d’État pour se refuser à comprendre, pour regretter, pour voir là, peut-être, une « démarche risquée » : c’est Metternich. Aujourd’hui, écrivait en une autre circonstance une plume qui reflétait sa pensée, celle de Mélanie de Metternich, « il faut plutôt songera susciter à l’Église de nouveaux défenseurs ; quant à convertir les incrédules, c’est à mon avis une tâche inutile et même dangereuse[1]. » La vie de l’Eglise, dans cette conception, n’est qu’un perpétuel statu quo. L’apostolat est réputé « inutile ; » il est réputé « dangereux. » Et de fait, si le règne de Dieu s’envisage surtout comme une parure somptueuse, hiératique, pour le règne même des Habsbourg, et si les Habsbourg, par une peur naturelle des révolutions, sont surtout désireux d’immobilité, qu’est-il besoin de conversions, de missions, de conquêtes ?

L’État autrichien, tout doucement, berçait « son » Eglise, et parfois l’engourdissait ; et l’on s’aperçoit aujourd’hui qu’il y a un grand pays catholique dans lequel la vie des âmes ne s’est jamais épanouie en une sérieuse activité missionnaire, et que ce pays, c’est l’Autriche. Elle laissait à la France, à cette France dont Metternich redoutait si fort le mauvais exemple, le soin d’expédier aux quatre coins du monde des messagers du nom chrétien.


II. — L’ÉGLISE ET LES VIEILLES NATIONALITÉS DANUBIENNES

Mais l’Esprit, qui souffle où il veut, soufflait même en Autriche : trois siècles d’oppression germanique, fortifiée de nos jours par l’alliance de l’oppression magyare, n’avaient pu

  1. Metternich, Mémoires, VIII, p. 51 et 323.