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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/243

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Quand l’Allemagne sera dans la maison, elle la mettra vite sens dessus dessous. Elle s’entraînera à ce bouleversement dans la Commission créée pour étudier les réparations, et si, comme on le lui permet, elle choisit de faire exécuter elle-même, par de la main-d’œuvre allemande, la restauration des pays dévastés, n’aperçoit-on pas à quelles chicanes, à quelles menaces, à quels dangers d’infiltration, d’invasion sournoise et lente, nous serons exposés ? Des changements qu’ont pu subir les clauses financières, nous croyons savoir qu’ils n’ont pas satisfait ceux qui avaient les meilleures raisons de les bien connaître. En résumé, chacune de ces modifications, considérée à part, n’est peut-être pas très grave, mais, au total, ce sont autant d’adoucissements au traité, et la plupart dans celles de ses parties où il était déjà le plus faible, dans ses clauses d’exécution. Il est vrai que, chaque fois qu’il en a été consenti une, la lettre d’envoi fait observer : « Mais les principes sur lesquels repose le traité sont intangibles. » S’il s’agissait de philosopher, ce serait une consolation.

Tel quel, avec « d’importantes concessions pratiques dans l’application, » ce nouveau texte, ce texte définitif, est lui-même proclamé intangible. C’est « le dernier mot. » En le remettant le 16 juin à la Délégation allemande, les Puissances alliées et associées donnaient au gouvernement d’Empire cinq jours pour l’accepter ou le rejeter. Prolongé de quarante-huit heures, à la prière du comte Brockdorff-Rantzau, ou de son substitut, qui le trouvait trop court, il expirerait le lundi 28, dans la soirée. Si, quand il a été remis, on nous eût demandé, à la mode du jour : « Signeront-ils ? » voici ce que nous nous serions, sans témérité, risqué à prédire : « Ils crieront, ils protesteront, ils jureront qu’ils ne signeront pas, qu’aucun gouvernement allemand ne pourrait prendre sur lui de signer, ou que, s’il avait le triste courage de le prendre sur lui, il tomberait sous le mépris général. Le ministère l’affirmera solennellement à l’Assemblée nationale, qui le confirmera. Serments atroces, anathèmes, prophéties sinistres. Cependant le délai sera écoulé. Le mardi matin, à l’aube, les troupes alliées avanceront. Ce sera une affaire de quelques kilomètres. Là-dessus, Scheidemann s’en ira, et M. Mathias Erzberger ne tardera pas à nous donner de ses nouvelles : « J’arrive. » L’Histoire aime les pendants et les parallèles. La Galerie des Glaces du palais de Versailles, qui a vu l’édification de l’Empire allemand, en verra la démolition. Nous avons eu, en juillet 1870, la dépêche d’Ems ; en juin 1919, nous aurons le télégramme de Spa.