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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/303

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pouvoir central étranger, intrus, interposait d’ombrageuses et quotidiennes tracasseries. Mais les années 1917 et 1918 balayaient cette dictature : l’intimité du peuple et du clergé rayonnait désormais sans entrave.

La conférence de Brest, en janvier 1918, édifiait avec une laborieuse malignité son œuvre éphémère, lorsque lui parvint un Mémorandum troublant : Mgr Korosec, encore, avait tenu la plume, et c’était tout un peuple qui parlait, et qui, vis-à-vis de la prétentieuse et malfaisante conférence, maintenait ses points de vue, ses exigences, l’inflexible intégrité de ses droits. Les vainqueurs d’un jour furent contraints à relire, sous la signature audacieuse du prélat, que « les Yougoslaves revendiquaient une garantie complète, pour les peuples d’Autriche-Hongrie, du droit entier de disposer librement d’eux-mêmes, et qu’on se moquait de ce droit en leur exhibant les constitutions de l’Autriche-Hongrie comme une promesse de libre développement. » Le général Herzmansky, commandant militaire à Gratz, écrivait mélancoliquement dans un rapport officiel, le 5 mai 1918 : « L’excitation vient en partie du clergé Slovène, qui reçoit les instructions et l’appui de son évêque ; » et. le chef militaire, qui commandait à Zagreb, notait de son côté le 4 septembre : « Les tendances yougoslaves ont leur origine parmi le jeune clergé ; l’archevêque est considéré comme un yougoslave déclaré[1]. »

Peu à peu, l’Autriche changeait de tactique : on la voyait, éperdue, murmurer des ébauches d’autres promesses : les mots d’autonomie, de fédéralisme, étaient chuchotes aux oreilles slaves. « Les Yougoslaves, reprit au Reichsrat Mgr Korosec, vous remercient bien civilement ; mais M le baron Hussarek arrive trop tard… Les peuples subjugués en Autriche demandent qu’on ne discute nulle part, — et surtout lors des négociations de la paix, — le sort de la nation yougoslave sans la collaboration de la Yougoslavie entière ; ils demandent, en outre, que cette collaboration soit personnellement assurée au congrès de la Paix par les représentants des peuples élus à ces fins, comme une application de la libre disposition des peuples. »

De semaine en semaine, les craquements s’accentuèrent ;

  1. Nous empruntons ces textes au précieux recueil de documents que vient de publier un théologien Slovène, M. Barac, sous ce titre : Les Croates et les Slovènes ont été les amis de l’Entente, p. 68 et 85.