Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit à soumettre les questions internationales à un arbitrage, soit à en accepter les décisions.


Ces lignes furent publiées en août 1917, sur la colline vaticane. Entre le « quatorzième point » ultérieurement défini par le président Wilson et le « point fondamental « ainsi formulé par le Pape, il y a convergence, avec une précision plus impérieuse, plus audacieuse, dans la manière pontificale de dessiner l’avenir[1]. Le « quatorzième point » fit du bruit, le « point fondamental » en avait fait beaucoup moins. De telles diversités d’accueil pourraient passer à la longue pour un manque d’équité intellectuelle. D’aucuns diront peut-être, en relisant ce « point fondamental, » ou en le lisant pour la première fois, que ce sont là des idées singulièrement proches de celles du socialisme international. Ce n’est probablement pas pour effrayer beaucoup certains protagonistes de la Société des Nations. Mais l’internationalisme socialiste, qui n’a pas encore fait ses preuves de pouvoir constructeur, aura bien sûrement ses entrées sous quelques-uns des portiques qui s’édifient à Genève : il pourrait y avoir quelque avantage pour la juvénile Société à accueillir et à écouter, en même temps, le « supranationalisme » catholique, d’autant plus soucieux, lui, de reconnaître l’existence et la personnalité des nations, qu’il se rappelle les avoir autrefois baptisées.

Voici consacrée, par la Conférence de la Paix, l’idée d’une législation internationale du travail : l’instrument diplomatique qui fixe les assises du monde futur consigne en l’un de ses chapitres les principes mêmes de cette législation. Le vœu que formulaient, depuis quarante ans, certains groupements de sociologues catholiques, est ainsi comblé : l’entente internationale qui devait, dans leur pensée, « frayer la voie à la lutte contre l’anarchie de la production, » passe tout doucement du domaine de l’idéal dans celui de la réalité. Plus d’un quart de siècle s’est écoulé depuis que Léon XIII en personne, dans une lettre au Suisse Gaspard Decurtins, réclamait cette entente[2].

  1. Charles Gonthier, Le Pape et la Société des dations. Lyon, 1919. Une conversation du cardinal Gasparri avec Mgr Touchet, évêque d’Orléans, reproduite dans son livre : La paix pontificale, p. 42 et suiv., apporte des précisions nouvelles sur ce « point fondamental. »
  2. Voir dans la Revue du 1er août 1903 notre article : Le Pape Léon XIII.