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où l’on trouve « de tout » et même le reste. Il n’est que d’y mettre le prix et de savoir s’expliquer, car « les gens qui vous servent ne vous comprennent pas toujours » et cela donne lieu aux plus drôles de quiproquos : « On rit. Pourquoi ne rirait-on pas, puisqu’on n’a que cela à faire ?… »


ii. — la prise du fortin du boterdyk

Visiblement, la guerre s’est « stabilisée. » On fait comme elle, et il est impossible désormais de suivre la vie de la brigade jour par jour. Cette vie, du reste, ressemble, à quelques variantes près, à celle que mènent tous nos soldats sur l’immense front qui court de Nieuport aux avancées d’Altkirch. C’est la vie de tranchée, qui ne manque pas au début « d’un certain pittoresque, » mais dont la monotonie finit par lasser assez vite. « Il pleut, il pleut à perpétuité, écrit le 4 mars Maurice Faivre. Il pleut surtout de l’ennui. » C’est qu’on semble « accroché pour longtemps » et qu’on se demande si le prochain hiver ne nous retrouvera pas « montant la garde à la même place. » On en sort à peine pourtant, de l’hiver. Faute de mieux on a vécu dans l’attente du printemps ; on s’est dit que la guerre serait « charmante » au prix de ce qu’elle était jusque-là, « quand les violettes fleuriront au bord des tranchées. » Puis il n’est ciel si maussade qu’il ne daigne parfois se dérider. Et, enfin, on s’est aperçu que la monotonie même de cette vie n’allait pas sans certaines compensations. À l’arrière comme en première ligne, on connaît à peu près maintenant « les heures du Boche, » méthodique et régulier « comme un chronomètre, » et l’on met à profit les répits qu’il nous laisse. On connaît aussi ses objectifs qui varient peu. Il est rare par exemple qu’il bombarde Coxyde. Mais il s’en prend assez souvent à Oost-Dunkerque, où le « colonel » du 1er régiment, le chef du 8e bataillon, les 10e et 12e compagnies, les ambulances et les services sont encore installés. Dans l’après-midi du 18 février surtout, le marmitage, « sans doute par pièce de marine, » est «intensif. » Pour la deuxième ou la troisième fois, mais non sans esprit de retour, ce qui reste de la population prend la fuite. Le Boche tape indifféremment sur l’ambulance du 3e bataillon qu’une marmite atteint de plein fouet, n’y faisant qu’un blessé, et sur de « vastes serres qui servent d’écurie » aux