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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/439

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l’occupation, mais à son maintien définitif. Il faudra être prêt à organiser la position sans délai. À cet effet, le personnel prévu pour cette occupation sera complété par 12 pionniers sous la direction du premier maître Jussiaume… » L’artillerie cependant, pour « détourner l’attention de l’ennemi, » devait « taper un point de la tranchée allemande voisin de celui contre lequel aurait lieu le coup de main de Bonnet[1]. » Tout étant ainsi disposé et la nuit paraissant suffisamment opaque, l’enseigne donna le signal à ses hommes. Eux et lui ont de longue date l’habitude du rampement. Mais il faut compter avec les fusées éclairantes et ce je ne sais quel instinct mystérieux qui, à certaines heures de danger, fait sur l’esprit l’office d’avertisseur et le met en garde contre toutes les possibilités de l’ombre. Par bonheur, la distance à couvrir était faible : une centaine de mètres. Et l’ennemi, qui nous attendait sur un autre point de sa ligne, fut démonté par l’impétuosité de notre attaque ; ses sentinelles n’eurent pas le temps de donner l’alarme. Il avait là pourtant une troupe d’élite, des « Allemands de la garde prussienne, » dira lui-même Bonnet à son père et qui se défendirent « courageusement. » Les assaillants s’étaient partagés en deux groupes. Le second maître fusilier Thomas (Carentan-Félix) avait sauté le premier dans le fortin avec l’un des groupes ; le quartier-maître Luneau, le même qui, le 14 février précédent, avec l’enseigne Bonnet, avait « installé une pièce à 10 mètres des tranchées allemandes, sous le feu de l’ennemi, coopéré a la destruction de ces tranchées et ramené sa pièce, » y sautait par un autre côté. Quinze contre vingt : la lutte est dure, et l’ennemi s’est ressaisi. Mais Bonnet, par sa seule présence, rétablit l’équilibre. Et, comme l’enseigne de Béarn accourt avec la section de renfort, il a « la chance » d’abattre d’un coup de crosse de son revolver un Boche qui dardait sa baïonnette dans la figure de l’enseigne. À 2 heures du matin, après un « combat court, mais violent » qui nous avait coûté deux tués et un blessé, le fortin était à nous, toute sa garnison exterminée, moins deux hommes qui se rendirent et qu’on ramena prisonniers vers l’arrière.

À la suite de ce beau fait d’armes qui, par exception, obtint les honneurs du communiqué et valut les félicitations écrites de

  1. Carnet du commandant Louis.