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et graves. Nos mutilés fixent les regards qui brillent dans leurs faces décharnées sur ce couronnement de leur œuvre qui s’achève. Ils sont près de la table, en pleine lumière. C’est sous leurs yeux, qu’aujourd’hui, 28 juin 1919, à trois heures quinze de l’après-midi, les Allemands se courbent pour signer l’aveu de la plus humiliante et de la plus juste défaite qui ait jamais châtié un dessein criminel.

C’est fait. L’injure du 18 janvier 1871 est effacée. Toutes les nations civilisées sont ici, avec nous. Elles vont, à tour de rôle, sceller et signer le pacte d’union morale qui les lie à notre cause, après la lutte d’hier, dans la paix d’aujourd’hui, pour le labeur de demain. Un à un, sans qu’un nom soit prononcé, dans l’ordre et dans le silence qui conviennent à cette heure glorieuse, les plénipotentiaires alliés se lèvent pour inscrire, auprès de la signature de la France, amie, leurs signatures fraternelles.

Et maintenant, c’est le canon, qui annonce aux multitudes accourues sur les places publiques, la fin de nos épreuves, de nos angoisses, de nos agonies par l’avènement de la paix dans le triomphe de la France et de ses fidèles alliés. La Galerie des Glaces vibre à chaque détonation. Chacun de nous pense à l’élan de joie populaire et de fierté nationale qui va succéder à nos inquiétudes et à nos fièvres, tandis que la bonne nouvelle se répand de proche en proche, apportant de la capitale des Français jusqu’au plus humble village un renouveau d’espérance et de force à tout un peuple heureux de trouver enfin sa récompense, c’est-à-dire, après tant de combats, la paix dans la victoire, — après tant de souffrances et de deuils, la consolation dans la liberté.


G. D.