Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la portée d’une telle adhésion. La Gazette de Francfort, au moment où elle conseille de renoncer à toute résistance et de signer quand même, résume son argumentation en une raison, décisive à ses yeux : « En somme, l’unité allemande est sauve, et c’est le principal. »


V. — L’IMPÉRIALISME POITIQUE SUBISTE

Une Allemagne ou des Allemagnes ? — Il est impossible d’aborder, ici, la critique historique et constitutionnelle du prétendu droit de l’Allemagne. Tout le monde sait dans quelles conditions l’unité à la Bismarck a été faite : contre la volonté des peuples, sans l’assentiment d’une Assemblée nationale, sans la sanction d’un Congrès international, après les guerres de 1866 et de 1870, elle a été imposée à l’Allemagne et à l’Europe par la force ; inutile d’insister.

L’Empire des Hohenzollern est un fait, rien de plus, il n’a pu subsister au milieu de l’Europe pendant quarante ans que par la puissance de l’armée prussienne et par l’art avec lequel les particularismes subsistants ont été mis dans l’impossibilité de se manifester. Mais, ce qu’il importe de bien établir, c’est l’opinion réelle que l’on avait, en Allemagne même, sur la fragilité de l’édifice. Le prince de Bulow ne cachait pas son sentiment à ce sujet. Apologiste né de la « mission prussienne, » il écrit : « Dans l’histoire de l’Allemagne, l’union nationale est l’exception, la règle est le particularisme. Cela est vrai du présent comme du passé. »

Voilà, qui est net ; et cela devient tout à fait clair, si on suit le développement de la politique prussienne en Allemagne jusqu’aux temps qui ont précédé immédiatement la guerre.

Le fameux incident de Saverne nous a fait connaître, sur ce point, non seulement l’opinion, mais les sentiments de l’Allemagne. Il apparut, alors et en pleine lumière, qu’au sujet de l’unité bismarckienne, il subsistait, dans le pays, deux courants contraires : celui de l’Allemagne officielle et militaire, s’appuyant sur la volonté de conquête permanente de la Prusse, et celui d’une Allemagne non officielle, s’appuyant sur le sentiment des populations du Centre et du Sud : en un mot, il y avait toujours deux Allemagnes. Cette vérité éclata dans toutes les phases de l’incident. Maia elle fut dégagée et affirmée, par les plus hauts personnages