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Grâce à elle, ou du moins grâce à son mariage, Ludovic le More fut duc de Milan et Maximilien plus riche et, partant, plus puissant empereur d’Allemagne. Son argent, sinon sa personne, l’aida un peu à faire ce qu’il fit.

Aujourd’hui, de toutes ces constructions savantes et hautaines, il ne reste rien. La chose fondée par Ludovic le More devait durer six ans, la chose fondée par Maximilien, quatre siècles ; l’une s’effondrer dans le donjon de Loches, l’autre dans le donjon de Saint-Germain. Au regard du passant, attentif seulement aux forces et aux projets de l’heure présente, ce sont, là, des ruines presque égales et le More fait, dans l’Histoire, une aussi grande figure que Maximilien. Plus grande, peut-être, aux imaginations contemporaines, d’autant que Léonard de Vinci dépasse Albert Dürer. Car ce sont ces faiseurs d’images qui personnifient à nos yeux ces fondateurs d’Empire et les sauvent de l’oubli. On ne prononce leurs noms quelquefois qu’à propos des portraits qu’ils ont commandés à ces maîtres ou des pages décoratives qu’ils leur ont dictées. Et les soldats du Nouveau Monde, dont le flot coule intarissablement dans les salles du Louvre nouvellement ouvertes, lèvent les yeux vers ce profil de femme et parfois l’admirent, un court instant, avec une curiosité amusée, sans se douter que c’est, là, une impératrice d’Allemagne, la première souveraine de l’Autriche, — un symbole du puissant Empire qu’ils sont venus détruire aujourd’hui.


ROBERT DE LA SIZERANNE.