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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/723

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dans les universités, germaniques quelque sophiste qui se mettrait en peine de prouver le contraire ; et ce serait aussi savant, aussi subtil qu’un Allemand et de l’allemand puissent l’être. L’illustre professeur Laband l’a essayé. La raison qui veut, d’après lui, que l’Empire, à la suite d’une guerre perdue, puisse céder, dans un traité de paix, des parties de territoire d’un État confédéré sans l’assentiment de cet État, c’est que lui refuser ce droit, « ce serait donner à l’État particulier la liberté d’entraîner l’Empire tout entier dans son propre malheur et d’en causer la décadence et la ruine. » Nous reconnaissons ce jurisconsulte, c’est celui des Animaux malades de la peste :

L’Histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements.

Mais, riposte le docteur Preuss, « nécessité politique n’est pas raison de droit. » Et justement, c’est une affaire de droit constitutionnel : justement le droit constitutionnel n’est pas muet ; justement, le docteur Preuss est l’auteur de la Constitution provisoire qui, depuis le mois de février, régit le Reich allemand. Mais justement cette Constitution affirme, en son article 4 : « La délimitation du domaine d’un État ne peut être modifiée qu’avec son assentiment, » comme, déjà, la Constitution prussienne du 31 mars 1850, article 2, déclarait : « Les frontières de l’État prussien ne peuvent être modifiées que par une loi. « Le texte est donc formel, catégorique, impératif. Il ne laisse aucune faculté de ne pas faire. Il impose une obligation de faire. Nous en concluons que la ratification du traité par l’Assemblée nationale était nécessaire, mais, à elle seule, n’est pas suffisante, et que la ratification par les Chambres prussiennes, bavaroises, badoises, à elle seule, ne serait peut-être pas suffisante, mais est nécessaire. Ne le fût-elle pas « juridiquement, » — et l’on peut soutenir qu’elle l’est, — elle le serait encore « politiquement. » Ce serait la pire des imprudences que de laisser ou d’offrir à des Allemands un prétexte à querelles, que de courir le risque d’ouvrir à l’Allemagne une échappatoire ; et c’est assez qu’il puisse y avoir doute, pour que la ratification par la Prusse, la Bavière, et Bade en même temps que par le Reich, ne soit pas une précaution inutile. L’échange des instruments de ratification fournira une occasion toute trouvée de la prendre, peut-être un peu tard ; mais mieux vaudra tard que jamais. Le traité de paix a, comme toute œuvre humaine, ses qualités et ses défauts ; disons davantage : il a les qualités de ses défauts. Il n’est pas présentement achevé, et c’est un défaut, mais c’est aussi une