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de feintes et de diversions en cours de bataille, d’opérations convergentes ou parallèles simultanées. Non ! une série de formidables coups et de rabattements. Si le coup n’a pas donné tout son effet, un second coup, toujours isolé, sur un autre point du front, un troisième si le second n’a pas rendu, un quatrième ailleurs, un cinquième ailleurs encore. C’est évidemment la stratégie de Ludendorff ; il ne la modifiera pas et si, l’offensive passant à l’adversaire, il voit celui-ci manœuvrer cette fois ses armées, l’attaquer sur ses flancs, l’assaillir en trois, quatre et cinq points du front à la fois, le bousculer sans arrêt et le menacer d’encerclement, il perdra pied, incapable de faire front à une manœuvre qui lui est si étrangère et, de découragement, sera le premier à solliciter, à imposer la demande d’armistice.

Qu’en frappant à la soudure des armées française et britannique, — le front de la Somme à l’Oise, — il ait, en mars, entendu avant toutes choses dissocier les deux armées alliées, les séparer, rejeter les Anglais à droite, les Français, s’ils intervenaient, à gauche, cela n’est pas douteux. Il est non moins douteux que, primitivement, si la manœuvre réussissait, on dût l’exploiter en direction de la mer. Si, la première ligne enfoncée, lâ ligne Noyon-Guiscard-Ham-Péronne tombait à son tour, puis la ligne Lassigny-Roye-Chaulnes, puis la ligne Montdidier-Rozières-Braye-Albert, Amiens était menacé et, avec la ville, l’un des nœuds de communication Capitaux, disons le mot, le nœud capital par où la France se liait à l’Angleterre. Une seconde opération conduirait à Abbeville. Si, par hasard, on était arrêté entre Montdidier et Amiens, on menacerait par un second coup, une autre partie du Pas-de-Calais, Calais, Boulogne, et ce sera le coup sur le front de la Lys. Si les armées françaises ont pu intervenir, garder leur liaison avec les britanniques, il faudra, momentanément, renoncer à la mer, aller occuper les Français ou les épuiser sur un autre point, — et ce sera l’attaque du Chemin des Dames. C’est là que déviera la manœuvre allemande : pour avoir réussi au delà de toute espérance, la formidable attaque dépassera son but de grosse diversion. La Nach Paris qui a, en août 1914, scandé et soutenu la marche des armées impériales, reviendra à trop de lèvres. Le kronprinz de Prusse fera prévaloir contre la vraie manœuvre, — celle de Ludendorff, — le rêve dynastique, le rêve de gloire :